L'HUMANISME DÉFAIT PAR LA LOI DE DIEU

Pierre COURTHIAL

Troisième et dernier chapitre de : Le jour des petits recommencements,

Lausanne, Ed. L’Age d’Homme, 1996

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Pour une recension du livre par le professeur Paul WELLS

Recension Daniel et Annie BERGESE

 

1. Alliance : Evangile et Loi

2. Le mouvement théonomique contemporain

    A. De la connaissance du bien et du mal

    B. De la grâce générale de Dieu

    C. La Théonomie face à l'autonomie humaniste

3. L'extension de la Loi morale de Dieu

    A. Israël et les Nations

    B. De l'Eglise ancienne à l'Israël nouveau

        a) Le maintien intégral de la Loi morale

        b) les lois casuistiques

        c) les lois judiciaires et politiques

    C. Pénologie et Droit pénal

4. L'approfondissement de la Loi morale de Dieu

    A. Dans la TaNaK (Bible hébraïque)

        a) la vigne de Naboth

        b) le livre des Proverbes

        c) le Cantique des cantiques

    B. Dans ce que dit Jésus

        a) hiérarchie de la Loi

       b) la Loi vise au coeur

        c) l'identité Amour-Loi

   C. Dans la conscience et la vie des fidèles

    D. Dans l'Eglise et le monde

APPENDICE III : Bibliographie de travaux sur la Sainte Ecriture

 

1. Alliance : Évangile et Loi

L'Alliance, dont l'Écriture Sainte est le Traité, a pu être décrite comme comportant cinq, six ou sept points. Chacune de ces descriptions ayant sa légitimité selon la perspective dans laquelle l'Alliance est envisagée1.

Mais, plus simplement, une perspective sommaire et générale permet de décrire l'Alliance en deux points : Évangile et Loi. A chacune de ses étapes historiques (Adam, Noé, Abraham, Moïse, David, le Christ Jésus), l'Alliance comporte toujours, dans leur distinction mais sans séparation, Évangile et Loi.

En fait, l'Alliance ne peut être entendue, comprise, reçue, que dans la conjonction, en elle, de l'Évangile et de la Loi. Conjonction aussi indissociable que sont indissociables l'avers et l'envers d'une médaille. Au reste, l'Évangile se rapporte à la Loi, comme la Loi se rapporte à l'Évangile. Inévitablement.

C'est pourquoi la Reformation et ses Docteurs d'hier et d'aujourd'hui, comme aussi des théologiens chrétiens d'autres confessions, n'ont pu développer une doctrine scripturale de l'Alliance qu'en saisissant, avec une précision croissante, et en même temps, ce qu'est l'Évangile : la bonne nouvelle de la grâce, imméritée, de Dieu ; et ce qu'est la Loi : l'enseignement de ce que Dieu veut que soient et fassent les hommes, dans les divers aspects, les divers domaines de l'existence.

Si le mot "Évangile" (en grec = euaggelion) ne se trouve que dans la Tradition apostolique, la réalité "Évangile" est déjà sous-jacente à toute la TaNak. Et si le mot "Loi" (en hébreu Tôrâh, en grec Nomos) caractérise surtout la TaNak (même dans la Tradition apostolique), la réalité "Loi" est encore sous-jacente à toute la Tradition apostolique. Il est juste de dire que, de A à Z, le traité allianciel ne cesse d'épeler, de raconter, de découvrir, dans leur rapport intime, profond, ce que sont ces deux inséparables : l'Évangile et la Loi de Dieu.

J'ai quelque réticence - le lecteur s'en est aperçu ! - à employer les termes "Ancien Testament" et "Nouveau Testament" et à leur préférer les termes "TaNak" (ou Bible hébraïque) et "Tradition apostolique" - je préférerais encore "Bible" et "Tradition" ! -. C'est que le mot "Testament" est un mot malheureux, en place duquel il vaudrait mieux mettre "Alliance", bonne traduction du mot grec diathêkê. La dérive diathêkê --> Testament vient de ce que la Vulgate latine (= la traduction de la Bible en latin, par S. Jérôme) a rendu diathêkê par testamentum.

C'est une erreur de la plupart de nos traductions françaises que de mettre testament pour diathêkê en 2 Corinthiens 3 : 14 et en Galates 3 : 17-29.

En 2 Corinthiens 3 : 14, il s'agit de la lecture (des livres) de l'ancienne Alliance, et non pas de l'Ancien Testament ; le mot "Testament" n'a là aucun sens, même s'il est devenu courant 2.

En Galates 3 : 17-29 (il faut lire tout le passage), traduire diathêkê par testament est bien plus dommageable. En effet, dans ce texte, S. Paul unit, dans leurs remarquables unité et complémentarité, l'étape de l'Alliance avec Abraham et celle de l'Alliance avec Moïse :

- l'étape de l'Alliance avec Abraham souligne les deux dons corrélatifs de Dieu, sa promesse et la foi d'un homme en cette promesse ;

- l'étape de l'Alliance avec Moïse souligne aussi ces mêmes dons, comme le montre le commentaire de S. Paul selon lequel l'accomplissement focal de la promesse divine et de la foi humaine est seulement en Christ,

- a) ce Christ, le descendant promis, ou plus exactement, la semence (en grec : sperma) promise d'Abraham ;

- b) ce Christ en qui ont cru à l'avance tous les fidèles de l'ancienne (disposition de l')Alliance, et en qui croient et croiront tous les fidèles de la nouvelle.

Quant à la Loi (Nomos),

- c) elle n'a pas été donnée à Moïse, 430 ans après Abraham, pour annuler la promesse de l'Alliance et la grâce de la justification par la foi, qui l'accompagne et donc procure la vie ; mais elle a été donnée pour conduire tous les hommes pécheurs, incapables de lui obéir, à chercher et à trouver le Christ (ainsi que la justification et la vie qui ne sont qu'en Lui).

Le seul passage dans lequel diathêkê peut être traduit par testament est celui d'Hébreux 9 : 15-17. Encore faut-il noter que cet emploi exceptionnel de diathêkê n'est là que pour souligner, de manière incontournable, que la nouvelle (disposition de l')Alliance, comme toute l'Alliance dont parle l'Écriture, est une disposition souveraine et unilatérale de Dieu (Testament !) et n'est aucunement un contrat mutuel !

Autre détail de vocabulaire à noter : le mot biblique "Loi" (Torâh, Nomos) a un sens autrement prégnant qu'en français. S'il comprend les sens d'ordonnances, de commandements, de règles, d'interdictions, d'injonctions ou de directives, il comprend aussi, plus généralement, le sens de Droit ; et il comprend surtout, et plus généralement encore, le sens de Doctrine, d'Enseignement, comme le mot latin Institutio dont, par exemple, Calvin s'est servi pour intituler son oeuvre maîtresse L'Institution de la religion chrétienne.

J'ai parlé, plus haut, de la conjonction indissociable et du rapport intime de l'Évangile et de la Loi, constitutifs de l'Alliance.

Contra – Mais, ont dit et disent certains : l'Écriture Sainte (en particulier par S. Paul) n'oppose-t-elle pas l'Évangile à la Loi ?

Respondeo – Pas du tout ! La seule opposition qu'expose l'Écriture Sainte (en particulier par S. Paul) est entre :

- ceux qui osent se servir de la Loi (abstraite alors de l'Alliance, et donc aussi de l'Evangile) pour s'auto-justifier, et

- ceux qui savent, par la Parole de Dieu, qu'il est impossible de s'appuyer sur la Loi et les oeuvres de la Loi pour, prétendument, se justifier, et qu'il n'y a de justification possible qu'en Christ, et par la foi en Lui.

L'exemple et l'enseignement spiré par Dieu de S. Paul sont clairs et nets à cet égard. S. Paul, ci-devant Saul de Tarse, raconte, témoigne et déclare :

-quand j'étais Saul de Tarse, je me reposais sur la Loi et m'en glorifiais, alors même (je le sais maintenant) que je transgressais la Loi comme tous les hommes (Romains 2 : 17 et 2-3) ; je croyais m'en tenir à la lettre de la Loi (cette lettre assez vivante cependant pour condamner et tuer ceux qui se flattent de la suivre fidèlement) - Romains 2: 27 ; 2 Corinthiens 3 : 6 - ; je "vivais" alors tranquillement sous la Loi (Romains 6 : 14-15) sans voir encore qu'elle était ainsi "loi du péché et de la mort" (Romains 8 : 2) ; je recherchais, et croyais avoir trouvé, comme beaucoup de mes compatriotes, Pharisiens et scribes en tête, une justice provenant de la Loi, des oeuvres de la Loi ; et je pensais que la Loi, les oeuvres de la Loi, permettaient aux hommes, et d'abord aux Juifs, d'établir, d'assurer, leur propre justice (Romains 10 : 3) ;

– mais, devenu Paul après avoir rencontré Jésus-Christ (que je persécutais en persécutant son Église), sur la route de Damas, J'ai été définitivement dégagé, libéré, de la Loi soi-disant Justificatrice, et du régime ancien de la lettre qui tue, pour servir le régime nouveau de l'Esprit (Romains 7: 6) ; ainsi, j'ai cessé d'être sous la Loi pour passer sous la grâce (Romains 6 : 15), sachant désormais que la Justice, la justification, vient par la foi (Romains 9 : 30 ; 10 : 6), par grâce (Romains 10: 4), en Christ, le Saint - maudit à ma place, à notre place (Galates 3 : 13), alors qu'il avait, Lui, parfaitement obéi à la Loi (Romains 5: 19) je suis mort à la Loi qui fait mourir" (Galates 2 : 19), afin de vivre en Christ qui "n'est pas mort pour rien" (Galates 2 : 21) -, et Paul de s'écrier - puissions-nous nous écrier avec lui ! - :

"Toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Mais oui ! je considère que tout est perte en comparaison de ce bien suprême : connaître le Christ mon Seigneur. J'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme des balayures, afin de gagner Christ et d'être trouvé en Lui, non pas avec une justice à moi et qui viendrait de la Loi, mais avec la Justice qui est par la foi en Christ, justice provenant de Dieu et fondée sur la foi" (Philippiens 3 : 79).

 

2. Le mouvement théonomique contemporain

C'est à partir de cet Évangile, et en rapport avec cet Évangile du salut par grâce, par le moyen de la foi (Évangile nettement confessé, contre tous adversaires, par le dogme sôtérique ecclésial), que la Loi démontre et développe tout son contenu de sens, non pas pour la justification des hommes, mais pour leur commencement et recommencement d'obéissance reconnaissante au Dieu trinitaire, l'unique Sauveur, qui veut et doit être aussi l'unique Seigneur. Par droit de Création et par droit de Rédemption. Par la puissance efficace de sa grâce vivifiante et sanctificatrice.

Aux quatre dogmes fondamentaux de la Foi ecclésiale catholique (= fidèle à toute l'Écriture) le dogme trinitaire, le dogme christique, définis aux premiers siècles le dogme sôtérique, le dogme scriptural, définis au XVIe siècle ; va devoir s'ajouter, dans l'avenir, un cinquième dogme fondamental : le dogme sur la Loi (Nomos) de Dieu (Theos), le dogme "théonomique".

En fait, comme les quatre dogmes précités, le prochain dogme théonomique visera à promouvoir la mise en lumière, et le mystère, de ce qui est, et doit être, la confession ecclésiale permanente : DIEU SEUL, LE PERE, LE FILS ET LE SAINT-ESPRIT, EST LE SEIGNEUR-SAUVEUR ET IL N'EN EST PAS D'AUTRE QUE LUI.

Certes, l'Église et les chrétiens fidèles ont toujours cru, pensé et vécu théonomiquement. Mais il faut encore que le dogme théonomique ecclésial vienne préciser et propulser, contre tous adversaires, la théonomie (= fidélité à la Loi de Dieu) tant dans la vie individuelle que dans les différents aspects de la vie sociale des membres du peuple de Dieu, du peuple allianciel.

Si, chez les Pères des premiers siècles et les Docteurs médiévaux, la doctrine théonomique ne pouvait pas encore être vraiment et nettement développée, le dogme sôtérique de la justification n'ayant pas encore été défini comme il le sera lors de la Réformation, cependant l'idée théonomique, imposée intérieurement par la Sainte Écriture, y a toujours été présente et active. Dans l'Église et dans la société christianisée 3.

Parmi les Réformateurs, c'est le Suisse Pierre Viret ( 15 11 1571) qui, au XVIe siècle, mieux que Calvin peut-être, et mieux que Luther sûrement, a esquissé avec vigueur la doctrine théonomique, en particulier dans son maître-ouvrage : Instruction chrétienne en la doctrine de la Loi et de l'Evangile (Genève, 1564 ; deux volumes seulement ont paru sur les trois projetés).

Il ne m'est pas possible, fût-ce d'esquisser, l'histoire de la doctrine de l'Alliance (avec sa Loi et son Évangile), même dans la seule Tradition réformée confessante. Dès Calvin4, celle-ci a souligné l'unique Alliance en deux dispensations : l'ancienne et la nouvelle, avec l'Évangile et la Loi tout au long, et la même Promesse fondamentale : je serai votre Dieu et vous serez mon peuple5. Comme le premier Adam a été la Tête alliancielle du genre humain et son représentant "légal", le second Adam, Christ, est la Tête alliancielle de tous les siens qui, en Lui, sont "légalement", juridiquement", déclarés vivants et justes, de morts et pécheurs qu'ils sont en eux-mêmes (Romains 5 : 12-21 ; 1 Corinthiens 15 : 22). La théologie de l'Alliance, qui a ses racines oecuméniques dans l'Age de la Foi, n'a jamais cessé d'être développée dans les cercles réformés confessants, avec ses cinq concepts-clés :

- 1. la Transcendance de Dieu, jusqu'en son immanence ;

- 2. la Hiérarchie (= l'ordre saint), établie par Dieu et représentant son autorité en chacune des sociétés humaines qu’il a instituées : mariage, famille, État, Église... ;

- 3. l'Ethique alliancielle scripturale, don de Dieu tant pour la vie personnelle que pour la vie sociale des personnes humaines ; non pas "les oeuvres qui sauvent, mais le salut qui oeuvre" ;

- 4. les Obligations divines, comportant des sanctions légitimes, positives ou négatives ;

- 5. les Suites, les conséquences historiques des promesses et des avertissements de l'Alliance ; (moyen mnémotechnique : T.H.E.O.S. = Dieu, en grec) 6.

Depuis la parution, en 1973, de Institutes of Biblical Law 7 (Doctrine de la Loi - ou du Droit - biblique), par Rousas John Rushdoony, suivie de celle, en 1976, de Theonomy in Christian Ethics 8, par Greg L. Bahnsen, des savants Réformés confessants, de plusieurs pays, n'ont cessé de s'intéresser à la théonomie tandis que d'autres (ou les mêmes !) en cherchaient et mettaient en oeuvre des applications 9.

 

A. De la connaissance du bien et du mal

Si Dieu n'était pas, il n'y aurait ni vrai ni faux, ni bien ni mal. C'est de Dieu seul, et précisément en ne portant pas la main, comme un voleur, sur l'arbre qui lui était alors interdit, que l'homme pouvait apprendre et connaître le bien et le mal. Autrement dit : la Parole de Dieu est la seule source de la morale et du droit.

C'est lors de la chute qu'a été insidieusement proposée à l'homme une autre source à côté et à l'opposé de la seule source de la morale et du droit. Et cette autre source-mirage, nous savons par la parole de Dieu quel en a été, quel en est toujours, l'indicateur, il instigateur. Et s'il y a eu chute, c'est parce que l'homme révolté, en Adam, a cédé à l'instigateur, et a préféré l'autre source à la seule source.

Et quand l'Église, et en particulier l'Église représentative (ou officielle), au lieu d'indiquer aux hommes en rupture d'Alliance la seule source de la morale et du droit, se met à leur parler aussi, ou même, comme aujourd'hui, à leur parler de préférence et avant tout d'une prétendue autre source : raison naturelle, loi naturelle, droit naturel, elle ne fait que flatter l'humanisme qui perd l'homme ; elle pactise ainsi, dans un esprit de compromis, de compromission, avec la religion funeste dont l'homme se fait le dieu ; et l'Eglise, alors, au lieu d'appeler l'homme à se "convertir", à se retourner vers Dieu, laisse l'homme s'enfoncer dans la mort.

L'Église, et en particulier l'Église représentative, quand elle met en avant la raison, la nature et un quelconque droit ou une quelconque morale naturels, croit pouvoir établir un no man 's land, un territoire neutre et commun, intermédiaire entre la vraie Foi et les fausses fois, où pourraient hypothétiquement se trouver ensemble et à l'aise, dans la "paix" 10 (?), tous les hommes ; en réalité, ce faisant, l'Eglise déserte le combat des deux Cités, et en bloque beaucoup dans la Babel, la Babylone d'en bas, au lieu de les amener, vaincus, à rejoindre le Christ Sauveur-Seigneur dans la Jérusalem d'en haut. En laissant l'homme dans les mains de l'homme, en invitant l'homme à persévérer dans la foi en l'homme, l'Eglise, malade de l'humanisme, se détourne de sa vocation qui est de dire à tout homme qu'il doit faire demi-tour et rentrer à la Maison du Père.

D'Adam à Noé, à Abraham, à Moïse, à Jésus-Christ, et jusqu'à la fin du monde, la seule vraie connaissance du bien et du mal, du juste et de l'injuste, n'est venue, ne vient et ne viendra que de l'écoute fidèle de la Parole de Dieu, en apprenant et re-apprenant sans cesse, en sondant, en scrutant, et en commençant et re-commençant à vivre, par la foi, l'Evangile et la Loi révélés.

Le bien et le mal ne sont des réalités définies, décrites, que par le Dieu de l'Alliance dans son Traité d'Alliance qu'est la Sainte Écriture. Par nul autre ! Et nulle part ailleurs ! Et l'Église catholique, Mater et magistra, se doit à elle-même, doit à tout homme, en tout temps et en tout lieu, et d'abord et surtout doit à Dieu, de dire et redire cela tranquillement, fermement, avec persévérance et patience, sous peine de n'être plus "sel de la terre", "lumière du monde", "colonne et appui de la Vérité". L'Église ne pourrait que mourir - et pas seulement de honte ! - du pacte qu'elle croirait pouvoir conclure avec l'humanisme du dehors et du dedans. En choisissant la synthèse plutôt que l'antithèse, en voulant ne faire qu'une Cité des deux Cités, l'Eglise trahirait sa mission, et, du même coup, trahirait les hommes auxquels elle doit communiquer la Parole de vérité et de salut, et trahirait son Seigneur et Époux Jésus-Christ.

 

B. De la grâce générale de Dieu

Contra – Cependant, S. Paul ne dit-il pas que les (hommes des) Nations (=les non-Juifs), qui n'ont pas la Loi (=l'Ecriture), font par nature (phusei) des choses de la Loi, montrant ainsi que l'oeuvre de la Loi est inscrite dans leurs coeurs (Romains 2: 14-15) ?

Respondeo – C'est exact, mais :

- 1. comme le montre précisément le contexte (Romains 1 : 18 à 3: 20), la raison humaine est fourvoyée, depuis la Chute, par le péché qui atteint l'homme en toutes ses facultés ; si donc il est toutefois possible que les hommes aient une certaine connaissance pratique du bien et du mal et qu'ainsi joue leur conscience, c'est grâce à l'oeuvre, à l'action de la Loi dans leur coeur ; c'est ce que nos théologiens appellent la grâce générale que Dieu accorde au genre humain déchu pour restreindre les effets intensifs du péché (Romains 2: 15) ;

- 2. de cette grâce générale résultent des obéissances humaines, non motivées par une vraie foi, mais dont résultent cependant, à leur tour, des bienfaits (= des bénédictions) assurant pour les hommes, tout au long de l'histoire, une justice civile sociale, politique (= des civilisations) plus ou moins valable ;

- 3. cette grâce générale, qui n'a été méritée, pour le genre humain, que par Jésus-Christ, n'apporte aux hommes que des formes de "salut et progrès temporaires" (et temporels), ne les régénère pas intérieurement, et, au lieu de leur apporter dès ici-bas, le salut éternel, contribue, s'ils persistent dans leur révolte contre Dieu, à les rendre d'autant plus inexcusables ;

- 4. cependant, en bien des domaines, sur tels points et à tels moments, la grâce générale permet une réelle coopération entre infidèles et fidèles, coopération que ces derniers acceptent, et même promeuvent, volontiers, pour les intérêts du règne du Christ, et sans qu'il doive y avoir compromis, compromissions, car il s'agit alors d'applications de la Loi de Dieu ; mais, tandis que les fidèles coopèrent parce qu'ils sont animés par le motif de la glorification de Dieu (la Loi de Dieu étant inscrite dans leurs coeurs - cf. Hébreux 8: 10 et 10 : 16, citant Jérémie 31 : 33ss), les infidèles, eux, ne coopèrent que pour des raisons pragmatiques qu'ils Jugent utiles et intéressantes pour la vie commune ; en fait, malgré eux, ils coopèrent eux aussi à la glorification de Dieu, et, sans qu'ils le sachent, ils y sont poussés par une action de Dieu inscrite dans leurs coeurs" 11.

 

C. La théonomie face à l'autonomie humaniste

Il est à noter que le mot latin Lex (Loi) a souvent désigné, de façon à la fois plus précise et plus englobante, la religion 12. C'est ainsi que S. Augustin, dans son De Vera Religione (XXIII,20) parle de la Christiana lex.

Durant l'Age de la Foi, Jean de Salisbury (1110- 1180), cet Anglais qui mourut évêque de Chartres et a magnifiquement écrit : "Si le vrai Dieu est la vraie Sagesse, alors l'amour de Dieu est la vraie philosophie" (Philosophus amator Del est ; est philosophe celui qui aime Dieu) 13, emploie à plusieurs reprises le mot Lex pour désigner le culte religieux ou la profession de la Foi, dans son Polycraticus. Raymond Lulle (1235-1315) 14, qui avait appris l'arabe et était allé, à plusieurs reprises, évangéliser les Sarrasins, compare la Lex Mahumetana (La Loi de Mahomet) et la Christiana Lex quand il veut comparer la Foi de l'Islam et la Foi chrétienne l5. Roger Bacon (1220

1292) 16 - "La sagesse totale a été donnée par un seul Dieu, à un seul monde et pour une seule fin" ; "Il n’y a qu'une seule parfaite sagesse qui est contenue dans les Saintes Ecritures" - parle lui aussi de Lex Christiana pour désigner la Foi chrétienne et de Lex Antichristi pour désigner les autres religions.

R. J. Rushdoony, l'un des initiateurs de la théonomie réformée contemporaine, s'inscrit donc dans une ancienne et solide tradition lorsqu'il dit à son tour :

"En toute culture, le Droit, la Loi, est d'origine religieuse... La source du Droit est le dieu de toute société. Si la raison humaine est la source du Droit, c'est que la raison humaine est le dieu de cette société-là. Si c'est une oligarchie, ou une Cour suprême, ou un Sénat, ou un chef d'État qui est à la source du Droit, cette source est alors le dieu du système... L'humanisme moderne, en plaçant la source du Droit dans le peuple ou dans l’État, désigne le dieu de son système... Dans la culture occidentale, la source du Droit a été transférée de Dieu au peuple ou à l'État, alors que le pouvoir historique et la vitalité de l'Occident avaient été longtemps situés dans la Foi et le Droit bibliques" 17.

Toute Foi, y compris celle des (prétendus) athées (= sans Dieu !), et, en conséquence, toute Loi, toute Morale, tout Droit non-bibliques, sont en rivalité, sinon en opposition déclarée, avec la Foi, la Loi, la Morale et le Droit révélés en l’Écriture Sainte (la Lex) de Dieu. L'homme a toujours la responsabilité de choisir entre la théonomie et son désir d'autonomie. En réalité, seul le vrai Dieu est autonome (= Loi à soi-même et pour ses créatures). Calvin disait en une phrase lapidaire : Deus legibus solutus est quia ipse sibi et omnibus Lex est (Dieu n'est pas soumis aux lois parce qu'Il est lui-même Loi pour lui-même et pour tout et tous) 18.

La question est encore et toujours : quelle est la Norme ? Où se situe l'Autorité ?

Et la réponse est encore et toujours : la Norme, la Lex, est la Loi alliancielle qu'est la Sainte Ecriture du Christ ; elle est au coeur de notre religion (= de notre relation à Dieu) et de notre service cultuel et culturel qu'elle identifie, définit et ordonne. Pour notre salut et notre joie. L'Autorité est celle du Dieu trinitaire qui, une fois pour toutes, nous a donné sa parole d'Alliance.

Voilà la théonomie !

L'humanisme, lui, ayant foi en l'Homme, ou en sa Raison, ou en tout autre dieu qu'il choisira (Evolution, Démocratie, Etat Providence, etc.) croit pouvoir définir à son gré Droit, Loi et Morale ; avec toutes leurs variations possibles, successivement ou pluralistiquement. Et, pour être dans le mouvement, certains chrétiens, contaminés par l'humanisme, croient pouvoir faire appel, eux, à la Révélation naturelle.

- Aux humanistes, il faut rappeler, avec Lecerf, que : "Le péché siège au centre même de la conscience intellectuelle de l'homme. Si la raison était normale ("elle ne l'est plus depuis la chute", P.C.), elle consentirait à demeurer une raison raisonnée (normée par Dieu, P.C.). Nous ne la verrions plus aspirer à devenir raison ratiocinante ("ergoteuse, abusive", P.C.).

La raison pratique, qui se proclame autonome, pèche, car il y a un seul Législateur : Dieu ; et ce Législateur, elle le méconnaît pour s'installer à sa place.

La raison théorique pèche aussi, car elle méconnaît son rôle subordonné d'organe, d'instrument conditionné par le Vrai objectif, pour s'ériger en norme suprême et en source fallacieuse du savoir.

Dans l'ordre de la connaissance, comme dans l'ordre de la toi morale, l'homme est partout substitué à Dieu. Il (en) résulte que le péché (provoque) un conflit entre la raison suprême de qui tout dépend et la raison subordonnée qui voudrait s'affranchir de sa dépendance" 19.

- Aux chrétiens contaminés par l'humanisme, il faut rappeler que, s'il est vrai qu'il y a bel et bien une Révélation naturelle de Dieu dont les hommes ont l'évidence sous les yeux,

"ce que l'on peut connaître de Dieu est manifeste pour les hommes : Dieu le leur a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles : éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses oeuvres pour l'intelligence" (Romains 1 : 19-20),

ces mêmes hommes

"se sont fourvoyés dans leurs raisonnements et leurs coeurs insensés se sont enténébrés ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge... et, comme ils n'ont pas eu souci de garder la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leurs intelligences sans jugement : ainsi font-ils ce qu'ils ne devraient pas et sont-ils remplis de toutes sortes d'injustice, de perversité... ennemis de Dieu" (Romains 1 : 21,25,28,29).

Pour que la Révélation naturelle reprenne ses formes, ses couleurs et son sens, il faut que les fidèles "chaussent les lunettes de l'Écriture" (Calvin) afin que le regard de leur coeur, enfin corrigé, clarifié, restauré, retrouve l'évidence, là, sous leurs yeux, que leur intelligence "fourvoyée" ne discernait pas. Alors, et alors seulement, la Révélation naturelle, qui a toujours été là, leur apparaît dans sa douce, belle et forte lumière.

Rushdoony a fort bien discerné que : "la raison pour laquelle certains chrétiens choisissent de chercher un fondement ("de la morale et du droit", P.C.) en l'homme, c'est qu'ils aspirent à trouver un terrain commun à tous les hommes et à toute la réalité hors de Dieu. Ils veulent échapper à ce qu'ils appellent un "système sectaire de pensée". Ils affirment la nécessité d'une philosophia perennis , d'une philosophie permanente qui serait commune à tous les hommes en tant qu'hommes, en dehors de toute considération théologique. Ces chrétiens pensent qu'ainsi ils peuvent établir les vérités de la religion chrétienne d'une manière rationnelle satisfaisante pour tous ; et qu'en place d'une révélation exclusive et bornée pourra être établi un terrain commun d'entente- 20.

A l'inverse, tout chrétien fidèle est appelé à "sanctifier en son coeur le Christ Seigneur, à être toujours prêt à la défense (en grec : apologia), avec douceur et respect, de l'espérance chrétienne devant quiconque lui en demande compte" (I Pierre 3 : 15-16) ; "les armes que nous utilisons dans notre combat ne sont pas d'origine humaine ; leur puissance vient de Dieu, pour la destruction des forteresses ; nous détruisons les faux raisonnements et tout ce qui se dresse orgueilleusement contre la connaissance de Dieu, faisant captive toute pensée pour l'amener à obéir au Christ" (2 Corinthiens 10 : 4 et 5).

Voilà qui nous oblige, en conscience, à croître dans l'intelligence de la Foi, dans la connaissance de l'Écriture du Christ et du Christ de l'Écriture : nous, c'est-à-dire non seulement les Il pasteurs et docteurs" (au reste trop souvent paresseux et infidèles), mais tous les membres de l'Église. L'évangélisation, en tant que vocation et tâche de tous, c'est d'abord et surtout, et ce n'est pas le plus facile, cette apologie-là , dans les contacts constants et ordinaires de l'existence avec les prochains, quels qu'ils soient. C'est, en tout cas, ce qu'ordonne, en priorité, la Parole de Dieu, et ce qui s'est vérifié, d'abord aux trois premiers siècles de notre ère sous plusieurs terribles persécutions, comme ensuite maintes fois dans l'histoire. D'où il importance capitale, à côté de la prédication, d'une catéchèse catholique (= fidèle à l'Écriture-Parole de Dieu) continue, dans l'Eglise ; ce qu'ont compris aussi bien les Docteurs de l'Eglise ancienne que ceux de la Reformation, avec leurs petits et grands Catéchismes.

Il est bien évident aussi qu'une manière chrétienne de vivre, en rupture chaque fois qu'il le faut avec celle du monde ambiant (Romains 12: 1-2), doit accompagner et pratiquer l'apologie de chaque jour : aucun des aspects, aucune des parties, pas un pouce de terrain, de notre existence ne devant échapper à la Vérité révélée et à la seigneurie royale du Christ notre Dieu. "Mettez en oeuvre (verbe grec katergazomai) votre salut, avec crainte et tremblement, car Dieu produit (verbe grec energeô) en vous le vouloir et le faire, selon son bienveillant dessein" (Philippiens 2 : 12-13).

La Foi que nous devons "défendre devant quiconque nous en demande compte" doit être défendue conjointement, inséparablement, par notre dire et notre faire ; et ce dans tous les domaines de notre vie ici-bas, régis souverainement par le seul Sauveur-Seigneur, qu'il s'agisse de notre vie personnelle, intime, ou de nos vies conjugale, familiale, civique, professionnelle, ecclésiale,...

Et ceci nous amène à considérer successivement l'extension et l'approfondissement de la Loi de Dieu.

 

3. L'extension de la Loi de Dieu

 

A. Israël et les Nations

Nous devons distinguer l'Age de l'ancien régime, de l'ancienne disposition de l'Alliance, qui va des origines historiques adamiques à l'an 70 de notre ère, et l'Age du nouveau régime, de la nouvelle disposition, de l'Alliance, qui va du début de notre ère à sa Fin qui sera marquée tout ensemble par la Venue en gloire du Christ, la résurrection des morts, le jugement dernier et la transfiguration universelle ; les 70 premières années de notre ère constituant, à part, le tournant des Ages.

Durant l'Age ancien de son Alliance, Dieu a progressivement établi la séparation entre les membres de l'Alliance et les Nations.

Abraham, premier des Patriarches à marquer la séparation, fut séparé de sa famille hébraïque2l quand Il quitta Ur-des-Chaldéens, avec les siens, pour "aller vers le pays que le Seigneur lui montrerait" (Genèse Il : 27 à 12 : 2) ; son fils Isaac fut séparé de son demi-frère Ismaël, l'ancêtre des Arabes ; le fils d'Isaac, Jacob, fut séparé de son frère Esaü, l'ancêtre des Edomites ; et, finalement, c'est à partir des descendants des douze fils de Jacob, ancêtres des douze tribus d'Israël, qu'après la sortie d'Égypte, et sous la conduite de Moïse, fut constituée la nation d'Israël (surnom de Jacob), laquelle, comme peuple saint (= à part) fut séparée des autres Nations, des autres peuples (goyîm, en hébreu ; ethnoï, en grec).

C'est donc au peuple saint (au peuple séparé des autres), à Israël, que Dieu, au Sinaï, par le ministère de Moïse, donna le Livre de l'Alliance, noyau de la Loi que reçut et écrivit Moïse ensuite, progressivement : la Loi, la Torah (notre Pentateuque, les cinq Livres de Moïse), l'Enseignement divin comme aussi les Directives divines, imbriquées, d'un seul tenant.

Contra A partir de là, plusieurs affirment que la Loi mosaïque, rappelée ensuite par les Prophètes et les Sages d'Israël comme toujours normative pour le peuple de Dieu, souvent infidèle, était, puisque alliancielle, exclusivement pour celui 22.

Respondeo Cette affirmation, spécieuse bien qu'apparemment 1 logique (voir la note 22 ci-dessous !), est contredite par la Sainte Écriture, notamment par la Torah. Certes, Dieu a bien établi, puis confirmé plusieurs fois, une Alliance spécifique, unique, avec Israël, Alliance qu'il a signifiée, entre autres, par les ordres extraordinaires qu'il lui a donnés pour la prise de possession de la Terre promise, occupée alors par les Cananéens (cf. Genèse 17: 8 ; Exode 3 : 8 et 23 ; 23 ; Deutéronome 7 : 1-5) ; par les lois séparant le pur de il impur ; et par les lois sacrificielles du culte propre à Israël. Mais la Loi de Dieu n'a jamais été confinée au seul peuple saint :

a ) Déjà, aux étapes adamique et noachique de l'Alliance, avant l'existence d'Israël, tous les hommes étaient concernés par la Loi (les lois) de Dieu ; avant ou après la chute :

- au sujet du mariage (Genèse 2 : 24 ; 3 : 16) - au sujet du travail (Genèse 2 : 15 3 : 19)

- au sujet du repos (Genèse 2: 1-3)

- et surtout, au sujet de la culture et de la place éminente de l'homme dans la création (sous l'autorité de Dieu, bien sûr), Genèse 1 : 28 ; 2 : 15 ; 9 : 1.

b ) Comme nous l'avons vu plus haut : la Loi de Dieu, par la grâce générale, n'a jamais cessé d'oeuvrer en s'écrivant dans le coeur des hommes.

c) Les Nations étrangères ont toujours été tenues responsables, par le Seigneur, devant la Loi : venant de parler de Canaan (à propos de l'inceste, de l'adultère et de l'homosexualité ; Lévitique 18 : 1-23), le Seigneur dit à Israël : "Ne vous souillez par aucune de ces pratiques, car c'est par toutes ces choses que se sont souillées les nations que je chasse devant vous ; le pays en a été souillé ; je suis intervenu contre sa faute, et le pays a vomi ses habitants... Ce sont là les horreurs qu'ont commises les hommes du pays qui y ont été avant vous, et le pays en a été souillé... Vous ne pratiquerez aucun des horribles principes qui se pratiquaient avant vous" (Lévitique 18: 24-25, 27 et 30).

Déjà, longtemps auparavant, i1 avait été dit par de mystérieux visiteurs (anges ? hommes ?), à propos de Sodome : "Nous allons détruire cet endroit, parce que ce qu'on reproche à ses habitants, devant le Seigneur, est énorme. Le Seigneur nous a envoyés pour détruire la ville" (Genèse 19: 13).

d) La Torah et la fidélité d'Israël à cette Torah devaient instruire les autres Nations, et leur confirmer cette Loi de Dieu qu'elles connaissaient déjà en partie et plus ou moins bien, par ce qu'elles avaient accueilli de la Révélation générale. La Torah et l'obéissance d'Israël devaient apporter aux Nations étrangères un modèle : "Vous observerez et pratiquerez les prescriptions et les ordonnances de Dieu ; ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui en entendront parler et qui diront : cette grande nation ne peut qu'être un peuple sage et intelligent ! ... Quelle est la grande nation qui a des prescriptions et des ordonnances justes comme cette Loi ?11 (Deutéronome 4 : 6 et 8).

Dans le même sens, le livre des Proverbes déborde les limites d'Israël quand il déclare : "La justice élève une nation ; mais le péché est l'opprobre de tout peuple" (14 : 34)23.

e) S'il y a bien discontinuité entre Israël et les Nations, en raison de la spécificité de la vocation d'Israël comme peuple saint, peuple à part, type du Royaume de Dieu à venir en antithèse avec les royaumes de ce monde, avec ses sacrifices sanglants ordonnés par le Seigneur pour typifier le sacrifice unique et parfait du Fils de Dieu incarné, offert en expiation du (des) péché(s), il y a bien aussi continuité entre Israël et les Nations, car les normes morales (personnelles et sociales) de la Loi de Dieu sont pour tous, et donc les mêmes pour Israël et les Nations : Dieu n'a pas deux Lois morales différentes ; l'une pour Israël, l'autre pour les Nations.

Ce qu'affirme la théonomie, suivant la Sainte Écriture, c'est que la Loi morale révélée par Dieu à Israël, peuple allianciel, est normative pour tous les hommes et toutes les Nations.

Greg L. Bahnsen, parlant de la Loi mosaïque comme norme morale unique pour Israël et les Nations, dit avec justesse que

"l'évidence en est apportée par les exemples bibliques de Sodome, de Ninive, de l'expulsion des Cananéens, des intentions de David, de la louange d'Artaxerxès, par Esdras, de l'expérience de Daniel à Babylone, des prophéties contre les Nations, de la littérature sapientiale, de l'Homme impie (o anomos = le sans-loi )24, d u témoignage de Paul devant ses juges, de Romains 13, etc."25

C'est par l'unique et même Loi morale de Dieu que tous les ' hommes sont justement condamnés (Romains 1 à 3) et que toutes les nations ont un seul modèle, un seul exemple, à suivre (Deutéronome 4.68). Dieu seul, en son Écriture, a souverainement défini et décrit, une fois pour toutes, les fondements de la morale et du droit. Nous sommes tous responsables devant la même Loi, la même Norme objective et souveraine, que Dieu a révélée ; devant le même Seigneur. Cette Norme est Sainte parce que Dieu est saint ; et elle ne change pas car elle reflète le caractère immuable de Dieu.

 

B. De l'Église ancienne à l'Israël nouveau

S'il est un aspect spatial de l'extension universelle de la Loi morale de Dieu qui est aussi bien pour les Nations que pour Israël, comme nous venons de le voir, il est aussi un aspect temporel de l'extension alliancielle de la Loi, que nous devons considérer maintenant.

Il s'agit, là, de savoir s'il y a continuité ou discontinuité de l'autorité de la, Loi de Dieu quand l'Alliance passe de son ancien régime dans l'Eglise ancienne à son nouveau régime dans le nouvel Israël.

Les Confessions de Foi réformées distinguent généralement dans la Loi de Dieu : les lois dites morales, les lois dites cérémonielles et les lois dites judiciaires (ou politiques)26.

a) Le maintien intégral de la Loi morale

Si quelques réformés n'ont cru, ou ne croient, devoir garder, à l'extrême, que les lois dites morales, réduites parfois au seul Décalogue, et ont rejeté, ou rejettent, tant les lois dites cérémonielles que les lois dites judiciaires (ou politiques), sans plus, les théonomistes (qui ont eu d'illustres prédécesseurs, comme Pierre Viret, au départ de la Reformation) - et pas seulement ceux qui se disent tels - enseignent qu'il faut garder la Loi morale révélée à Israël en son entier, intégralement, avec ses exemples casuistiques, y compris les lois sociopolitiques (= les lois dites judiciaires) qu'elle énonce et que si les lois dites cérémonielles - en fait, les lois sacrificielles et sacramentelles et les lois sur le pur et l'impur, de l'Église ancienne ne doivent plus être directement et littéralement appliquées, elles doivent garder néanmoins une autorité indirecte et typique qu'il ne faut aucunement éliminer.

En cela, la théonomie suit fidèlement le Christ et son Écriture :

- I) Jésus a nettement dit :

"Ne pensez pas que je sois venu détruire (abroger, supprimer) la Loi et les Prophètes ; je ne suis pas venu détruire mais accomplir. En effet, je vous le dis, c'est la vérité : jusqu'à ce que passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i, de la Loi ne passera Jusqu'à ce que tout soit arrivé. Dès lors, celui qui viole un seul des commandements, même des plus petits, et enseignera aux autres à faire de même, sera appelé plus petit dans le Royaume des cieux ; celui qui les pratiquera et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le Royaume des cieux (Matthieu 5: 17-20)."

- II) La Tradition apostolique (= le Nouveau Testament !) ordonne d'abandonner (et ne permet d'abandonner que) le sens direct et littéral des "lois sur le pur et l'impur" et des "lois sacrificielles et sacramentelles" du service ancien (cf. entre autres, pour les premières : Actes 10 : 10-15. 28 ; et 11 : 4- 10 ; Ephésiens 2 : 11-20 ; pour les secondes : Hébreux 1 à 10). Écrivant peu avant 70 - année cruciale de la destruction du Temple de Jérusalem et du jugement terrible du Christ sur une génération méchante, adultère, pécheresse et perverse l'auteur des Hébreux dit que "ce qui est ancien est vieilli, tout près de disparaître" (8: 13). Mais le même auteur rappelle aussi qu'avec le Tabernacle, le Sanctuaire , les objets et les sacrifices du culte ancien, nous avons des "représentations" (hypodeigmata = images, répliques, copies) des réalités célestes" (9 : 23-24). De même, en 2 Corinthiens 6 : 14 à 7 : 1, et Romains 12 : 1, S. Paul nous enseigne - Parole de Dieu que "les lois sur le pur et l'impur", auxquelles il faut joindre sans doute les Lois interdisant de mêler deux espèces de semences, d'animaux ou de fibres (par ex. Deutéronome 22.9-11), ont encore beaucoup à nous dire et à nous révéler (dans la recherche scientifique notamment), à nous qui sommes sous le nouveau régime allianciel, qui sommes le Temple du Dieu vivant", qui ne devons "pas former avec les infidèles un attelage disparate" mais "offrir nos corps comme un sacrifice vivant", ce qui est notre culte logique (= notre culte selon le Logos, selon la Parole incarnée et écrite) ; mais alors, nous devons entendre et vivre ces lois séparatrices en un sens désormais indirect et typique 27.

Je note encore que la distinction nécessaire entre lois morales et lois sacrificielles est confirmée, s'il en est encore besoin, par l'affirmation divine : "Je veux l'amour fidèle (en hébreu : hèsèd) et non le sacrifice" (Osée 6 : 6).

Il faut inclure dans les lois sacrificielles et sacramentelles, les lois concernant les purifications, aussi bien des hommes que des femmes (cf. par exemple Lévitique 15 ; 18 : 19 ; 20 : 18 ; Nombres 19 : 11-22) ou celles des femmes après la naissance d'un enfant (cf. Lévitique 12). L'ensemble de toutes ces lois se rapporte : d'une part, au péché de tout le genre humain en Adam, péché auquel nous participons tous dès notre conception ; d'autre part, à l'Alliance de grâce en Christ, le nouvel Adam à venir. Les relations sexuelles dans le mariage n'ont, en soi, rien d'impur ; mais le péché originel, comme aussi l'Alliance de grâce pour les membres du peuple de Dieu, courent de génération en génération. D'où la portée sacramentelle, au sens large, des lois que nous considérons et qui pointent vers la chute du premier Adam, en arrière ; et vers le salut qu'apporte, pour beaucoup, le second Adam, en avant. Il faudrait détailler l'exégèse qui rapprocherait la purification des femmes après la naissance d'un enfant, de la circoncision des enfants mâles de l'Alliance d'une part ; et d'autre part, le sens typique de ces actes par rapport au baptême, pour l'Église de la nouvelle Alliance. Derrière tout cela, doit être développée la théologie biblique du sang sans lequel il n'y a pas d'expiation du péché.

b) Les lois casuistiques

Quant aux lois casuistiques, nombreuses dans la Torah, elles constituent pour nous, dans la nouvelle disposition de l'Alliance, des exemples normatifs d'application de la Loi morale de Dieu en des situations et circonstances historiques et culturelles nouvelles28. Ainsi devons-nous écouter, et chercher à suivre fidèlement, dans l'obéissance, aussi bien les principes généraux (qui vont bien au-delà du seul Décalogue, mais qui sont condensés dans celui-ci, comme lui-même est condensé dans le sommaire de la Loi : Deutéronome 6 : 5 ; Lévitique 19: 18 ; Matthieu 22: 34-40) de la Loi morale de Dieu que les exemples de leur application qui nous sont aussi révélés29.

La casuistique a besoin d'être restaurée, réformée, sans cesse mise à jour, dans la fidélité à la Sainte Écriture.

Si beaucoup ont une idée négative, péjorative, de la casuistique, c'est qu'ils oublient qu'il est deux sortes de casuistique

- l'une qui cherche, frauduleusement, à esquiver, par des arguties, ce que dit la Loi de Dieu qui est alors, elle, mise en question ; cette abominable casuistique est celle des Pharisiens de son époque que Jésus a vigoureusement combattue (cf. par ex. Matthieu 23 : 16 à 36), ou celle que Pascal a fustigée dans ses Provinciales ;

- l'autre qui cherche, au contraire, à suivre et faire suivre, fidèlement, la Loi de Dieu en tel(s) ou tel(s) cas précis et actuels ; c'est nous, alors, qui sommes mis en question ; cette seconde et bonne casuistique s'accompagne d'une méditation et "Intelligence" de la Loi du Seigneur pour en faire ses délices (comme le chante le Psaume 119).

La restauration du sens de la Loi de Dieu, jusqu'en sa casuistique, va puissamment contribuer à,la défaite indispensable de l'humanisme qui infeste aujourd'hui l'Eglise et les chrétiens. La catéchèse, la prédication et le témoignage chrétiens cesseront, en effet, d'être pervertis par l'enseignement et la proclamation, à la Marcion, d'une Parole de Dieu, d'un Evangile, amputés de l'indispensable Loi de Dieu avec ses commandements, ses exemples et ses avertissements.

Les "pasteurs et docteurs" devenus a-nomistes (sans la Loi) ou anti-nomistes (contre la Loi), sous prétexte de fidélité à l'Évangile, sous prétexte de s'en tenir au "salut par grâce par le moyen de la foi", ou bien se convertiront (feront demi-tour), ou bien devront quitter leur ministère devenu insupportable àleur Église redevenue fidèle.

Il ne sera plus question de parler de lois mythiques (inventions, par exemple, du nomadisme primitij) que contiendrait l'Écriture ; ou de lois dépassées, n'ayant eu de sens qu'en des époques révolues de l'histoire progressive de l'humanité ; et encore moins de lois à rejeter, à biffer, à annuler, parce qu'attentatoires à la modernité ou aux droits de l'Homme.

C) Les lois Judiciaires et politiques

Nous en venons à la question, importante pour la théonomie, des lois dites judiciaires, politiques, qui concernent le domaine du Droit, privé ou public, au sens large ; lois qui touchent au social, au politique, à l'économie, et à la pénologie3O et décrivent, définissent, tant les normes de la vie socio-politique que les sanctions, les suites, positives ou négatives, qui s'ensuivent.

Sur ce point, la théonomie se heurte non seulement aux humanistes, du dehors ou du dedans, mais, en l'Eglise, au piétisme qui, sans le vouloir, contribue au développement de la maladie humaniste en lui abandonnant des secteurs entiers de l'existence. Au long des siècles, et notamment depuis le XVIIIe siècle, le piétisme n'a cessé de limiter la portée et l'autorité de la Parole, de la Loi, de Dieu à la vie personnelle et familiale, au culte, et à l'Église isolée du monde et s'en retranchant pour se protéger.

En minimisant la Loi morale de Dieu, en la restreignant, en s'opposant à son extension à tous les domaines qui constituent la majeure partie de la vie des hommes ici-bas, en ne laissant à la souveraineté de la volonté préceptive de Dieu que la part de l'existence susceptible d'être "pieuse", les piétistes abandonnent, de fait, tout le reste - ce qui fait beaucoup ! - aux volontés humaines (ou démoniaques ?), maîtresses alors du terrain ; ils deviennent complices de l'humanisme qui profite de leur réserve, de leur abstention, volontaire, pour l'emporter.

S'ils cèdent au piétisme, les chrétiens pourront aller, devant les difficultés et en temps de crise, comme aussi la plupart du temps, jusqu'à penser trouver dans la prière un alibi pour leurs désobéissances à la Loi morale de Dieu en général et, en particulier, aux lois dites Judiciaires, politiques.

A l'opposé, d'autres chrétiens, malades de l'humanisme, chercheront bien à s'engager, à militer, dans les domaines de l'existence socio- (ou économico-) politiques etc., mais pour suivre alors, non la Loi de Dieu concernant ces domaines mais les idéologies (idologies) humanistes et leurs lois.

Piétistes ou militants humanistes se rejoignent alors au moins sur ce point : Dieu, dans ces domaines, n'a rien dit, n'a rien à dire, n'a rien voulu dire. On comprend ainsi pourquoi toute Église, malade de l'humanisme, ou bien prend le parti, à son tour, de ne rien dire ; ou bien, quand elle croit devoir dire quelque chose, s'aligne sur les idées ou opinions humaines majoritaires et/ou à la mode, véhiculées par les médias. A la limite, en ces domaines, on "se réfère" à Dieu, au Christ, à la Bible, sur tel ou tel point "choisi" et qui "plaît" ; mais ce n'est pas pour recevoir et suivre l'Écriture normative et objective du Dieu Créateur- Sauveur-Seigneur souverain : la Parole qu'il a dite n'est-elle pas interdite ?

Défaisant les diverses formes que prend l'humanisme, la Théonomie, au sens fort de Loi de Dieu, est seule à définir et décrire ce que sont le bien et le mal, ce que sont la justice et l'injustice, ce que sont les divers gouvernements d'institution divine (nous allons en parler), quelles sont les normes établies par Dieu pour tous les divers domaines de la vie des hommes ; et ce, avec le nombre d'exemples d'application de la Loi qui doivent être fidèlement transposés dans les circonstances actuelles. La difficulté de cette recherche d'obéissance, de commencement d'obéissance, ne doit jamais détourner de cette recherche ; la difficulté n'est d'ailleurs pas du côté de la Loi, mais de notre côté, en raison de tout ce qui reste en nous de péché, de penchant vers l'autonomie, de résistance à céder à Celui qui, avec et par sa Loi - toujours accompagnée, inséparablement, de son Evangile -, nous enveloppe et pénètre de sa miséricorde, et de la force et douceur de sa grâce.

La Tradition apostolique, à maintes reprises, rappelle et souligne l'autorité indéfectible des lois judiciaires (= socio-politiques) de la Torah et de la TaNak, par exemple :

- sur la famille : Matthieu 15 : 4-6 ; cf. Exode 20 : 12 ; 21 : 17 ;

- sur l'inceste : 1 Corinthiens 5: 1 ; cf. Lévitique 18: 8 Deutéronome 27 : 20 ; Amos 2: 7 ;

- sur l'homosexualité : 1 Corinthiens 6 : 10 ; Romains 1 : 26-27, 32 ; cf. Genèse 1 : 27-28 ; 2 : 18, 23-24 ; 5 : 2 ; 19 ; Lévitique 18 : 22 ; 20: 13 ;

- sur les rapports avec les prochains, même ennemis : Matthieu 5 : 44 ; Romains 12 : 19-20 ; cf. Exode 23 : 4-5 ; Job 31 : 29 ; Proverbes 25 : 21 -22 ; etc.

A fortiori, même si la Tradition apostolique ne le rappelle pas, les lois judiciaires concernant les immigrants, les étrangers dans la communauté d'Israël gardent leur autorité normative ; ni plus ni moins que les autres.

Nous avons d'ailleurs déjà vu que la Torah interdit de retrancher quoi que ce soit à la Loi morale, exemplaire pour toutes les nations, donnée par le ministère de Moïse (Deutéronome 4 : 2, 5-8).

En ce qui concerne le gouvernement civil - pour simplifier, disons : l'État -, sa forme (selon l'Ecriture, et donc selon la Tradition catholique), qu'elle soit démocratique, oligarchique ou monarchique, est bien secondaire par rapport à la soumission au Droit défini par la Parole de Dieu :

- ou bien la théonomie ; ou bien l'humanisme de quelque prétendue autonomie ;

- ou bien un État légal, c'est-à-dire un État de Droit, cherchant à gouverner un territoire donné conformément1à la Loi de Dieu (au sens biblique donc, des mots légal et Droit) : un État selon Romains 13 : 16 , ou bien un État selon Apocalypse 13, un État de tendance arbitraire et totalitaire mettant sa propre Loi à égalité avec, ou au dessus de, la Loi de Dieu ;

- ou bien un État qui reconnaît les limites de son pouvoir et de son domaine, et dont les mains portent les marques théonomes (Deutéronome 6 : 8) ; ou bien un État qui, en tous domaines, impose ses propres marques autonomes sur les mains de tous les citoyens (Apocalypse 13 : 16-17) ;

- ou bien un État exerçant sa légitime autorité dans le domaine précis que Dieu lui a confié, et comme une diaconie (= une charge, un service, cf. Romains 13 : 4) afin que "ceux qui font le bien" soient approuvés et protégés et que les "malfaiteurs" soient jugés et condamnés, selon la Loi de Dieu, car ce n'est pas en vain que les autorités en place portent le "glaive" qui manifeste, quand il le faut, la juste colère de Dieu (toujours Romains 13) ; ou bien l'État tyrannique de la Bête (toujours Apocalypse 13).

Avec le développement de l'humanisme, cette religion anti-chrétienne et antinomiste (= opposée à la Loi de Dieu, à la Sainte Écriture), et sa croissante infiltration "contaminante" dans l'Église ("Dieu a foi en l'Homme !", "Ayons foi en l'Homme !"), le pouvoir de l'État, de l'État-Providence, de l'État divinisé, n'a cessé de croître. Et cette "totalitarisation" de l'État, vrai retour au paganisme humaniste de l'Antiquité ou des temps pré-chrétiens, tend à s'exacerber au point que sur plusieurs importantes questions éthiques qui se posent aux plus grands savants dans leurs recherches, comme aux plus ordinaires des hommes dans leur vie quotidienne, fuse aujourd'hui l'effrayante interrogation :, "Quelles lois doivent gouverner : celles de Dieu ? ou celles de l'État ?"

L'histoire du mot "gouvernement" est une claire (hélas illustration de notre présente rétrogression socio-politique.

Il n'y a pas si longtemps ce mot désignait aussi bien la maîtrise de soi (le "gouvernement de soi" disait Montaigne) que l'autorité du mari dans le "ménage", la vie conjugale ; celle des parents dans la vie familiale ; celle des ministres ordonnés dans la vie des Églises ; que celle des "magistrats" dans l’État. Cette diversité de gouvernements, ayant chacun son domaine propre, dans la soumission a l'autorité souveraine de Dieu, selon la Sainte Écriture, excluait radicalement aussi bien l'étatisme que le cléricalisme.

Aujourd'hui, dire gouvernement (sans avoir plus à préciser : civil), c'est désigner l'État ; car l'État s'est immiscé en tout ce qui, selon la Loi de Dieu, ne le regardait pas : dans notre vie à chacun, dans la vie des familles et l'éducation des enfants, dans la vie économique, dans la vie culturelle, etc., et il a réussi à reléguer les Eglises dans un domaine déclaré "privé" qui n'est aucunement le seul de leur mission (cf. Matthieu 28: 18-20 ce qui ne l'empêche pas de réclamer (et d'obtenir), chaque fois qu'il le juge nécessaire, leur appui dans ses décisions !

L'importance, pour les hommes, des lois judiciaires et politiques révélées dans la Sainte Écriture, est telle que Dieu, à court ou plus ou moins long terme, bénit les nations qui se conforment extérieurement au Droit que définit sa Parole, et qu'il punit, au contraire, celles qui s'en écartent, en laissant sa Loi se retourner contre elles (cf. par exemple Amos 1 et 2 : 4-8 ; Jérémie 50 et 51 ; Esaïe 19).

 

C. Pénologie et Droit pénal

Les lois socio-politiques, dites judiciaires, comprennent nécessairement l'application de peines à ceux qui ont enfreint la Loi. La Loi, avec ses obligations, entraîne et comporte aussi des suites, des peines, des sanctions31, aussi bien face au jugement direct de Dieu, tout au long de notre vie, à l'heure de notre mort, et au terme de l'histoire, que face à son jugement indirect, médiatisé par tous les gouvernements légitimes qu'il a institués : celui de notre conscience, bien que déchue et toujours à réformer, dans la maîtrise de soi (Romains 2: 15-16) ; celui des parents, dans la famille et l'éducation des enfants ; celui du ministère ordonné dans l'Église ; celui des magistrats dans l'État.

-I) Selon la Sainte Écriture, le jugement direct de Dieu peut infliger des peines temporaires, au service de sa grâce commune ou de sa grâce particulière et rédemptrice (dans ce dernier cas, elles servent toujours à la repentance et à la sanctification des fidèles) ou aller, pour garantir la Sainteté de la Justice divine, jusqu'aux peines éternelles (Daniel 12 : 2 ; Matthieu 13 : 24-30 et 37-43 ; 25 : 46 ; et 2 Thessaloniciens 1 : 6-10).

Par contre, les jugements des gouvernements légitimes sont, en eux mêmes, de portée limitée, temporaire ; leur but est généralement d'avoir des conséquences positives, en vue d'un progrès ; comme, par exemple :

- telle ascèse personnelle, tel exercice précis d'abstention, de renoncement, de jeûne (au sens large, cf. Ésaïe 58: 1-8 et Ézéchiel 18 : 5-9) afin d'éviter des occasions d'envie, de convoitise, pouvant entraîner des péchés réitérés de tous ordres (cf. Exode 20 : 17 ; et la métaphore de Matthieu 5 : 29-30) ;

- les punitions parentales des enfants, qui peuvent, et parfois doivent, être corporelles, à condition qu'elles soient justifiées, modérées, et données en dehors de toute colère non maîtrisée et de toute violence inadmissible (Psaume 37 : 8 ; Proverbes 13 : 24 et 29 : 15) ;

- les excommunications précédées d'avertissements, par les ministres ordonnés, dans l'Église, de pécheurs manifestement obstinés et scandaleux (mais l'Eglise n'a pas à juger les coeurs : de intimis Ecclesia non judicat) ou enseignant de graves hérésies (Matthieu 18 : 15-18 ; 1 Corinthiens 5 : 9-13 ; Tite 3 : 10-11).

 

- II) Le fait est qu'est exposée dans l'Écriture une Loi pénale divine qui n'est aucunement contredite par l'Evangile ; au contraire (cf. 1 Timothée 1 : 6-11). Dans sa grâce générale et sa grâce rédemptrice particulière, le Seigneur a Jugé indispensable et bon, pour le bien des hommes, qu'il y ait, dans le monde déchu, cette Loi pénale qui protège les honnêtes gens (= les pécheurs qui, extérieurement, se conduisent bien) et punit les malfaiteurs (=les pécheurs qui, extérieurement, se conduisent mal) - Proverbes 2 : 21-22 ; et, encore une fois ! Romains 13 : 1-7).

La règle fondamentale de l'exercice du droit pénal est la lex talionis (la loi dite du talion), qui n'est aucunement une invitation à la vengeance personnelle, comme beaucoup l'ont cru et dit, mais l'expression imagée, métaphorique, de la règle d'équité que les magistrats doivent toujours suivre lorsqu'ils jugent. Cela est démontré par le contexte immédiat (Exode 21 : 20 à 23 : 9), par l'ensemble des lois pénales de la Torah, et confirmé par Jésus lui-même (Matthieu 5 : 38ss).

La règle du talion : "vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure" (cf. aussi sa répétition en Lévitique 2417-21 et Deutéronome 19: 21) énonce, de manière formelle, que toute punition légale, pour être équitable, doit correspondre au crime commis, donc doit être, pour reprendre quelques expressions de la TaNak, "proportionnée à la culpabilité" (Deutéronome 25 : 2), "selon la mauvaiseté de celui qui a fait le mal" (2 Samuel 3 : 59), "selon le fruit des agissements" du malfaiteur (Jérémie 17: 10), "selon les voies du coupable" (Ezéchiel 33 : 20) ; et, plus profondément, à l'image de la juste et incontestable punition qu'a infligée Dieu à la croix de déréliction et de malédiction du Fils unique incarné, et de celle qu'il infligera au Jugement dernier à certains hommes (cf. Deutéronome 21 23 et Galates 3 : 13 Psaumes 51 : 6 ; Abdias 15 ; Romains 2 : 16 ; 1 Pierre 1 : 17 et Apocalypse 20 : 12 ; entre autres). Le criminel doit recevoir son dû (cuique suum : à chacun ce qui lui revient)32.

Curieusement, alors que des chrétiens (et des non-chrétiens !) s'offusquent de voir les théonomistes admettre la peine de mort telle qu'elle est prévue, pour plusieurs crimes, par le droit pénal scriptural, les mêmes, ou d'autres, chrétiens (et non-chrétiens) s'offusquent de voir les théonomistes rejeter les peines de prison que, pour d'autres crimes, le même droit pénal, remplace par des peines de réparation.

Questions :

- Dieu aurait-il eu tort de confier le glaive (ê machaïra) à la justice de l'Etat pour qu'elle soit vengeresse (ekdikos) pour sa colère (orgê), et de définir, dans sa Loi, les crimes devant être punis de mort ?

- Dieu aurait-il eu tort, pour d'autres crimes, de choisir non pas la prison mais la réparation, la restitution (accordée aux victimes), augmentée d'une certaine proportion (en punition des malfaiteurs) ?

- Fallait-il abandonner les principes et les applications du droit pénal à la discrétion et aux humeurs de l'Homme prétendument autonome, alors qu'il y va de la Justice dans les sanctions et punitions ?

- La définition des sanctions pénales aurait-elle dû alors être livrée à l'arbitraire d'un homme, même le plus sage, ou d'une majorité, même considérable ?

- Serait-ce "en vain" (cf. encore et toujours Romains 13 : 1-6) que Dieu aurait confié sa justice médiatisée aux magistrats légitimes ?

- Les chrétiens "humanistisés" tiendraient-ils pour nuls et non avenus Matthieu 5 : 18 avec ses "pas un seul i, pas un seul point sur l’i", Matthieu 28 : 20 avec son "tout ce que je vous ai prescrit" et Hébreux 2 : 2 avec "la parole prononcée par des anges, mise en vigueur pour que toute transgression et désobéissance reçoive une juste rétribution" ?

Lorsque S. Paul eût été amené à Césarée, au tribunal, pour comparaître devant le Gouverneur romain Festus, car "les grandsprêtres et les notables juifs" - auxquels les Romains avaient retiré le droit de condamner à mort - avaient porté plainte contre lui, l'accablant de "nombreuses et lourdes accusations", il reconnut si bien le maintien, dans l'ère chrétienne qui s'ouvrait, de la nécessaire application du droit pénal révélé - valable aussi bien pour les Nations que pour Israël -, qu'il déclara : "Si j'ai des torts et si j'ai commis quelque action digne de mort, je ne refuse pas de mourir" (Actes 25 : l à l2). Il rappelait ainsi la continuité et l'inflexibilité de la Loi pénale divine, prêt à ce qu'elle s'appliquât à lui... s'il était coupable33.

 

4. L'approfondissement de la Loi morale de Dieu

Cet approfondissement se trouve, d'abord, entièrement, dans la Sainte Écriture, de l'achèvement de la Torâh de Moïse jusqu'à celui de la Tradition apostolique, en passant par les Nebîîm et les Ketubîm (A).

Il doit progresser, ensuite, en tout temps, dans la conscience et la vie des fidèles (B).

Il a été poursuivi et doit être poursuivi, enfin, par l'ensemble catholique, pasteurs et docteurs compris, afin de permettre, dès que possible, la définition du dogme théonomique, et, ce faisant, de défaire l'humanisme ; dans l'Église en priorité, et puis, aussi, dans le monde (C).

 

A. Dans la TaNaK

Nous avons vu que, s'il y a discontinuité dans le passage de l'ancien au nouveau régime de l'Alliance, quant aux lois restauratrices (sacrificielles et sacramentelles) et aux lois séparatrices (sur le pur et l'impur), et ce en suite du sacrifice unique et parfait du Fils de Dieu incarné et du renversement du mur qui séparait Israël des Nations, il y a continuité de l'ancien au nouveau régime de l'Alliance quant à la Loi morale (personnelle et sociale) : le Dieu saint n'a jamais donné au genre humain, dans la Révélation de sa grâce générale comme dans celle de sa grâce particulière, des morales différentes. Encore faut-il prendre la Loi morale de Dieu dans son ensemble, dans toute l'Écriture, avec les approfondissements révélés qu'ont apportés les livres saints qui ont suivi la Torah de Moïse. S'il est vrai que "la Torah, la Loi, a été donnée par Moïse" (jean 1.17), il est vrai aussi qu'elle n'a cessé d'être approfondie par les Prophètes et les Sages jusqu'à ce que "la grâce et la vérité arrivent par Jésus-Christ" (id.)34.

Les Nebîîm et les Ketubîm, ces livres spirés par Dieu, comme la Torah, précisent, et donc approfondissent, sur plusieurs points, la Torah mosaïque.

Quelques exemples.

a) Le seul épisode de la vigne de Naboth, en 1 Rois 21, précise à la fois

- l'inaliénabilité d'un héritage,

- la légalité du droit de propriété,

- certaines limites du pouvoir légal de l'Etat,

- la responsabilité devant Dieu (coram Deo) des divers pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) de l'Etat,

- la gravité du faux témoignage en justice, d'où les peines qu'il entraîne,

- la nécessité de l'intervention du ministère prophétique auprès du gouvernement civil et, en 1 Rois 22 :

- le caractère redoutable, à plus ou moins long terme, du jugement de Dieu sur tout État ayant outrepassé et bafoué ses limites légales.

b) Le Livre des Proverbes ordonne de demander puis d'exercer la vertu de sagesse dont le principe, le commencement, est la crainte (= le respect adorant) du Seigneur ( 1 : 7 ; 9 : 10 ; 15 : 33, etc., cf. Job 28 : 28 ; Psaume 111 : 10).

D'aucuns ont cru pouvoir enseigner que la sagesse était un ajout àla Loi. Il n'en est rien.

La sagesse, selon l'Écriture, et en particulier selon les Proverbes, est un don, une vertu, qui, précisément, permet d'accepter, d'assimiler, de suivre, les commandements de la Loi (10 : 8), de les respecter (13 : 13), de les observer afin d'être sage (28 : 7) et heureux (219 : 18).

La Sagesse, de Dieu, qui est Dieu Lui-même, nous appelle à recevoir notre sagesse de cette Sagesse divine en retenant ses commandements et en les écrivant sur la table de notre coeur (2 * 1-6 ; 3 : 3 - en ce dernier verset, il est question de hésèd it,e'èmèt, cette inébranlable et bienveillante fidélité alliancielle de Dieu" ; cf. plus haut note 34).

Autrement dit : ce sont les commandements qui constituent notre sagesse appelée à les mettre en oeuvre sans y ajouter ; et recevoir la sagesse, comme don et vertu, d'en haut, c'est du même coup garder les commandements et, en les suivant, les pratiquer à bon escient ; ainsi la sagesse s'insère-t-elle en notre vie quotidienne par notre obéissance à la Loi de Dieu.

Le même Livre des Proverbes précise quels sont le fondement, la tâche et les éléments principaux du gouvernement civil :

"Par moi règnent les rois et les princes ordonnent ce qui est juste Par moi gouvernent les chefs les notables, tous les juges de la terre" (8 : 15-16).

"C'est par la justice que le trône s'affermit (16.12b). (Les autorités ne doivent) "ni oublier ce qui a été prescrit, ni pervertir la cause de tous les malheureux" 01 : 5).

"Il n'est pas bon, dans un jugement, d'avoir égard aux personnes. Celui qui' dit au malfaiteur : Tu es juste les peuples le maudissent, les nations s'irritent contre lui" (24 : 24).

"Un roi qui Juge les indigents avec vérité affermira pour toujours son trône" (29: 14).

"Juge avec justice et défends la cause du malheureux et du pauvre" (31 : 9) etc.

Le Livre des Proverbes précise aussi les devoirs des uns et des autres au sein de la famille

"Écoutez, fils, l'instruction d'un père" ... (cf. chapitre 4 à 7) ;

"Une femme de valeur est la couronne de son mari" ( 12 : 4 ; cf. 14 : 1 ; 15 : 20 ; 23 : 22 ; 30 : 17 ; 31 ; etc.)

c) Le Cantique des cantiques, dont la lecture - nous l'avons dit est à deux niveaux, nous précise bien des choses quant aux prescriptions de la Loi morale de Dieu sur la vie conjugale, prescriptions visant à la fois la gloire de Dieu et le bonheur des couples humains35.

Une solide et attentive exégèse, avec une traduction fidèle du texte hébreu, montre l'unité du texte et le fait qu'il compte trois personnages : le couple que composent un berger et la Sulamite, sa fiancée-épouse, avec leur amour tout à la fois fidèle et passionné, et le roi Salomon qui n'a pas hésité à faire enlever la Sulamite pour son harem et qui entend bien la séduire.

Le chant par excellence ne permet, au deuxième niveau, une sobre exégèse typico-analogique (et non pas allégorique, au gré purement subjectif du lecteur) que sur la base nécessaire du premier niveau-de-sens littéral, et avec l'autorisation qu'accorde le mystère révélé, à savoir : que l'alliance du mari et de sa femme (Malachie 2. 14) est en rapport avec l'alliance du Seigneur et de son Église (Ephésiens 6 : 25-32).

L'exégèse typico-analogique sera conduite alors à mettre en évidence, face au couple Seigneur-Eglise, le prince tentateur, séducteur et séparateur (que ne soit séparé ce que Dieu a uni !) qui veut arracher l'Eglise à son Seigneur, comme Salomon a voulu arracher la Sulamite à son berger.

La traditionnelle exégèse allégorique dite spirituelle (au mauvais sens du mot), avec ses innombrables variantes, la plupart extravagantes, n'a été qu'une défense contre la question lancinante et plaintive : "Comment un tel poème d'amour profane pourrait-il, en prenant place dans l'Écriture, être saint et normatif pour la foi ?"36

C'est en raison du penchant grec opposant l'âme, bonne par essence, au corps, plus ou moins,mauvais - penchant qui était demeuré chez certains Pères de l'Eglise ancienne ou en avait contaminé d'autres - qu'on abonda dans le sens du rabbi juif Akiba qui, vers 110 de notre ère, avait déclaré que le Chant par excellence devait être expliqué dans la Synagogue au sens allégorico-spi rituel 37.

Or, toute pseudo-exégèse de ce genre ne peut qu'être erronée, et livre la Parole divine à la subjectivité humaine qui l'emprisonne. Seul le sens littéral (qu'il ne faut pas confondre avec un littéralisme inadmissible - cf. les interprétations abusives de Matthieu 5 : 29-30 ou 7 : 1 à 16, par exemple) est le sens vrai et solide, conforme à la 11spiration divine", à l'inspiration verbale du texte, garde-fou contre tout gnosticisme arbitraire, qu'il soit rationaliste ou charismatique.

La première question, en écoutant le Cantique, n'est pas, ne peut et ne doit pas être : "Quels sont les sens spirituels que l'âme catholique est autorisée à y découvrir ?"38 mais : "Quel est le sens littéral du texte que nous devons honnêtement recevoir dans ce livre de la Parole écrite de Dieu ?"

"Si la Parole de Dieu qu'est l'Écriture Sainte ne signifie pas ce qu'elle dit, comment pourrait-on espérer trouver ce qu'elle révèle ?"39

Le Cantique approfondit ce qu'est le mariage institué par Dieu jusque dans les relations et le désir sexuel qu'il comporte, et sa beauté singulière face à toutes relations, à tous désirs sexuels hors mariage (homosexualité, adultère hétérosexuel, bestialité, etc.).

Le Cantique approfondit aussi ce que sont l'amour et la fidélité dans le mariage, nous ordonnant de les respecter en nous et chez les autres. Malgré les déclarations enflammées, et parfois grotesques, de Salomon le séducteur, malgré les exhortations des femmes du harem qui l'invitent à se joindre (quel honneur !) à la lignée royale de David, la Sulamite reste fidèle au berger de son serment : "Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi" (6: 3). Quant au berger, il dit, vers la fin du livre : "A toi, Salomon, les mille... Ma vigne, elle est devant moi, et à moi seul !" (8 : 12).

L'auteur du Livre des Rois (1 Rois 11) rapporte, non sans tristesse, que Salomon, au terme de sa vie, avait mille femmes en son harem, lesquelles "détournèrent son coeur vers d'autres dieux" ; et qu 1 en cela "Salomon fit ce qui était mal aux yeux du Seigneur qui en fut irrité". Le "plus beau des Chants" est un avertissement aux imitateurs de Salomon... pour qu'ils se convertissent à Dieu et vivent.

 

B. Dans ce que dit Jésus

Mais c'est avec Jésus et la Tradition apostolique que la Loi morale de Dieu, au tournant des Ages, va être définitivement approfondie et précisée, sans être changée ; va être renouvelée et transfigurée, tout en restant identique à elle-même. Elle est alors accomplie, au sens de "plénifiée".

J'indique trois points :

a) Hiérarchie de la Loi

Jésus hiérarchise la Loi morale en distinguant en elle "ce qu'il y a de plus important (ta barutera = les choses ayant le plus de poids) : la Justice, la miséricorde et la foi", et il ajoute aussitôt "sans omettre le reste" (Matthieu 23 : 23).

Il est significatif que les trois choses importantes en question sont toutes trois des attributs, des caractères, communicables, de Dieu, en relation avec le péché et les péchés des créatures humaines :

- la justice (ê crisis) est le juste jugement du péché et des pécheurs ;

- la miséricorde (to eleos) est la sensibilité du coeur (cor) à la misère (miseria) des pécheurs ;

- la foi (ê pistis = la fidélité) est l'opposition au péché (Kierkegaard disait : "Le contraire du péché n'est pas la vertu mais la foi").

Mystérieusement, en Dieu, modèle de ces trois choses importantes, celles-ci n'ont pris leur sens qu'avec l'inexplicable apparition du péché40.

Il y a dans l'organisme des commandements, rappelons le :

- d'abord, le commandement capital, principal : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, accompagné du commandement qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (de ces deux commandements dépendent tous les autres) ; Matthieu 22 : 36-40.

- ensuite, le Décalogue, qui résume l'ensemble de la Loi morale

- enfin, les autres commandements, en rapport avec une ou plusieurs paroles du Décalogue, qui vont de ceux qui ont le plus de poids aux plus petits, qui cependant ne doivent pas être négligés ou passés sous silence.

b) La Loi vise au coeur

Jésus souligne que la Loi morale vise au coeur, et pas seulement, ni d'abord, aux actes. Dans son constant combat contre le pharisaïsme, Jésus s'en prend à son interprétation externalisante, tout extérieure, de la Loi morale, interprétation déviante qui conduit non seulement à une distorsion de celle-ci, mais aussi à l'idée d'une justification par les oeuvres. Il est faux, radicalement, de faire des Pharisiens d'attentifs auditeurs et de fidèles pratiquants de la Loi mosaïque, et de leur attribuer je ne sais quelle orthodoxie ou orthopraxie.

Jésus invite ses disciples, et les conduit, à une justice (justesse) du jugement qui doit commencer, et recommencer, par un jugement de soi toujours plus lucide et profond, au miroir de la Loi morale de Dieu (Matthieu 5 : 20 ; 7 : 1-5) ; Justice tout autre que celle des Pharisiens, et qui la "dépasse".

c) L'identité Amour-Loi

Jésus et la Tradition apostolique identifient amour de Dieu, du prochain, de soi-même, et obéissance aux commandements de la Loi morale.

En réalité, la Loi morale et ses commandements définissent, décrivent, ce qu'est l'amour concret de Dieu, du prochain et de soi-même. L'amour vrai et l'observation de la Loi vont ensemble, main dans la main : sans l'amour, l'obéissance la plus héroïque n'est rien (I Corinthiens 13 : 3) ; et, sans la Loi, ou hors la Loi, l'amour n'est plus qu'un sentiment sans valeur. C'est ensemble que l'amour 0 Corinthiens 13 : 8) et la Loi (Luc 16: 17) demeurent, ne peuvent tomber car l'amour, fruit de l'Esprit, accomplit en nous (en commencement la justice prescrite par la Loi, la Justice qu'est notre sanctification (Galates 5 : 22 ; Romains 8 : 4 ; 2 Corinthiens 7 : 1) : "Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements", dit Jésus (Jean 14: 15). "Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui qui m'aime" (Jean 14: 21). "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole et mon Père l'aimera" (Jean 14: 23). "Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour" (Jean 15: 10; cf. 1 Jean 2 : 3-11). "Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande" (Jean 15: 14).

"L'amour est le résumé de la Loi ; et un résumé n'annule pas le contenu de ce qu'il résume41.

L'identité Amour-Loi, bien précisé dans la Tradition apostolique, est déjà révélée, in nuce, dans la Torah (Deutéronome 6: 46 ; 11 : 1, 13, 22 ; 13 : 2ss ; 19 : 9) : "Je te commande aujourd'hui d'aimer le Seigneur, ton Dieu, de marcher dans ses voles et d'observer ses commandements, ses prescriptions et ses ordonnances, afin que tu vives et que tu multiplies et que le Seigneur, ton Dieu, te bénisse..." (Deutéronome 30 : 16).

 

C. Dans la conscience et la vie des fidèles 42

Au XVIlle siècle, un pasteur fut un jour interpellé par le seigneur du coin qui lui demanda : "Pourquoi êtes-vous si précis dans votre ministère, votre prédication, votre enseignement ?"

- "C'est parce que je suis au service d'un Dieu précis", répondit-il43.

C'est par sa précision que l'Écriture Sainte dérange.

Dans l'hébreu de la TaNak, c'est le mot "coeur" (lev, levâv) qui désigne parfois la conscience (cf. Job 33 : 3, avec lev ; Josué 14 : 7 ; Job 22 : 22 ; et 27: 6, avec levâv). Au Psaume 16 : 7, à la place du l'coeur", c'est le mot "rein" (kileyâh) qui est employé.

Dans le grec de la Tradition apostolique, c'est le mot suneidêsis (cf. sunoïda = savoir avec) qui est utilisé ; c'est exactement le sens de notre mot français "con-science" qui en est le décalque.

Selon la description qu'en fait l'Écriture, la conscience est un tribunal intime lequel, en accusant ou en excusant, déclare coupable ou non-coupable (Romains 2: 15). Aussi parlait-on naguère du "for intérieur" (le latin forum - d'où for - qui désignait, parfois, la place où se réglaient les affaires Judiciaires).

Dans la séparation de l'homme d'avec Dieu, la conscience n'est pas en état de discerner, avec précision, le bien du mal, et donc de bien juger coupable ou non-coupable. "Malheur à ceux qui appellent le mal : bien, et le bien : mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres" (Esaïe 5 : 20).

La Tradition apostolique n'hésite pas à parler de conscience "faible", "souillée", "mauvaise", "perdue" ( 1 Corinthiens 8 : 7AO,12 ; Tite 1 : 15 ; Hébreux 10 22 ; 1 Timothée 1 : 9) ; car la conscience-témoin (Romains 2 : 15 ; 9 1 2 Corinthiens 1 12), la conscience-guide (Actes 14 : 16 ; Romains 13 5), la conscience-juge (Romains 2 15 ; 1 Jean 3 : 20s) peut fort bien être mauvais témoin, mauvais guide, mauvais Juge. Comme le dit Calvin (op. cit.), il n'y a vraiment con-science (science avec) que lorsque le rapport avec Dieu permet àcelle-ci d'être "une connaissance moyenne entre (=liant) Dieu et l'homme". Calvin ajoute :

"Une connaissance pure et simple pourrait être en un homme comme étouffée. C'est pourquoi ce sentiment qui cite et attire l'homme au tribunal de Dieu est comme une garde qui lui est donnée pour l'éveiller, le surveiller, et pour mettre au jour tout ce qu'il serait bien aise de cacher, s'il pouvait."

C'est là un paradoxe : notre conscience, ce "for intérieur" dans lequel, normalement, Dieu prononce sa sentence, est dans un état tel que "l'homme pèche s'il lui désobéit, et qu'il peut pécher aussi s'il lui obéit-44. Nous sommes, en effet, comptables envers notre conscience pour autant qu'elle reflète la Loi de Dieu, et nous devons vivre selon notre conscience. Mais, aussi, nous sommes responsables de l'état de notre conscience : de dé-formée qu'elle est, nous avons à demander, et à rechercher, qu'elle soit, progressivement, re-formée. Nous sommes tenus d'adopter sincèrement les vues de notre conscience. Mais, aussi, nous devons veiller à ce que ces vues soient corrigées et mises au point par la Loi morale scripturale, car la conscience n'est qu’un miroir pour capter la lumière de la vérité morale et spirituelle, et la projeter, bien réglée et concentrée, sur nos actes, nos désirs, nos buts et nos choix"45.

Tout chrétien fidèle, en l'Église catholique, va donc s'appliquer à retrouver une "bonne" conscience en approfondissant la Loi morale de Dieu afin qu'elle soit inscrite, de plus en plus et de mieux en mieux, sur et dans son coeur (cf. Jérémie 31 : 33 ; Hébreux 8 : 10 et 10 : 16). Il prendra la peine nécessaire, par l'usage régulier des moyens de grâce ordonnés par Dieu, et donnés par lui (méditation et écoute de l'Ecriture, prière personnelle et communautaire, communion au repas eucharistique, nouthésie, exhortation, ecclésiale, etc.) pour obtenir une "conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes" (Actes 24 : 16) et recevoir d'elle, comme "sujet de fierté, ce témoignage : être conduit dans le monde non pas par la sagesse humaine mais par la grâce de Dieu" (2 Corinthiens 1 : 12) ; il désirera que sa conscience devienne pure (kathara), c'est-à-dire capable de discerner tout reste, toute trace, de péché (l Timothée 3 : 9). Car la grâce du Seigneur affûte, affine si bien la conscience qu'elle en vient à débusquer les péchés cachés et subtils qu'il faudra, au fur et à mesure, confesser, et qui sont autrement dangereux que les péchés Il grossiers et manifestes" dont l'oeuvre de Dieu, à laquelle nous concourons, en notre sanctification, nous a sans doute déjà débarrassés (cf. 1 Jean 1 : 8 à 2: 3).

La question reste posée : que faisons-nous, que reste-t-il, aujourd'hui de l’"examen de conscience" qui était autrefois, pour beaucoup de fidèles, une discipline intime parfois quotidienne ? En particulier, à chaque veille de la communion eucharistique ? Allons-nous ré-apprendre l'examen de conscience devant Dieu et sa Parole, dans une humble prière ? Cet examen, à l'opposé de nous décourager, vise à nous ramener, toujours plus et mieux, au Christ et à son Evangile, et à sa communion : "Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés, mais, étant jugés par le Seigneur, nous sommes corrigés afin de n'être pas condamnés avec le monde" (I Corinthiens 11 : 31-32; cf. 11 : 28). En cet examen de soi, coram Deo (devant Dieu), nous recevons, tout ensemble, les deux inséparables de la grâce : la Loi et l'Évangile, l'Évangile et la Loi ; avec, en accompagnement : paix et joie.

 

D. Dans l'Église et le monde

Imprégnés d'humanisme depuis au moins deux siècles disons : depuis les Lumières -, l'Église et les chrétiens n'attachent aujourd'hui plus guère d'importance à la Loi mosaïque, et, à part la Genèse et les parties historiques de l'Exode et du Deutéronome, la Torah, au sens de Loi, est comme rayée de la Sainte Écriture. Au reste, si l'on "se réfère" encore à l'Écriture, et, parfois même si l'on écoute et suit encore l'Écriture, quand il s'agit de la piété (?), du mariage et de la famille (??), de l'Eglise (???) et de la théologie (????), on l'écarte décidément - sauf sur quelques rares points qui "plaisent" çà et là - quand il s'agit des autres domaines de l'existence, alors que ce sont ceux auxquels nous consacrons, en fait, le plus de temps ; dans ces domaines-là, on prétend se ranger au fameux "droit naturel" qui présente l'avantage d'être indéfini, variable et modifiable à merci, au gré des "sensibilités".

Une des premières raisons pour lesquelles l'humanisme pourrait (?) en venir à l'emporter dans l'Eglise, déjà bien contaminée et malade, en toutes confessions, c'est que celle-ci, ayant lâché l'autorité souveraine de la Parole de Dieu (incarriée et écrite), ne cesse de reculer sur des positions de moins en moins tenables, pour y subir, à nouveau sans grande résistance, de nouveaux assauts.

Une autre de ces premières raisons, c'est que, depuis un siècle et demi, la croyance eschatologique (=concernant les choses de l'eschaton, de la fin) la plus répandue fait tellement espérer à beaucoup de chrétiens un "prochain" retour du Christ et une "prochaine" fin du monde, pouvant arriver très bientôt, d'un moment à l'autre, qu'ils ont perdu l'idée qu'il peut y avoir, qu'il va y avoir sans doute, un long temps historique encore à courir, un long temps qu'Églises et chrétiens vont avoir à employer, patiemment, courageusement, avec persévérance, à la conquête du monde au nom du Christ, et donc pour la victoire de celui-ci sur tout ennemi (1 Corinthiens 15 : 25 ; Hébreux 1 : 13).

Aussi malgré la promesse prophétique :

"La connaissance du Seigneur remplira la terre comme les eaux recouvrent (le fond de) la mer" (Esaie 11 : 9 ; cf. 65 : 17-25),

- et malgré l'ultime parole du Christ :

"Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre allez, faites disciples toutes les nations :

baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder (observer) tout ce que je vous ai prescrit ; voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Matthieu 28 ; 18-20),

ces chrétiens jouent battus avec bonne conscience, heureux de la proche fin du monde, assurés qu'ils sont qu'il n'y a plus rien à entreprendre, à moyen et long terme du moins.

L'exégèse, erronée, de l'Apocalypse - qui est une révélation (apokalupsis = révélation) de victoire ! -, des apocalypses des Évangiles synoptiques (Matthieu 24 ; Marc 13 ; Luc 21) et de nombreux autres textes de la Tradition apostolique, tous écrits qui sont, non pas révélation de la fin du monde mais révélation de la fin (prochaine, imminente) de l'ancien monde d'avant Jésus-Christ (et du jugement d'Israël, et de la destruction du Temple, et de la fin des anciens sacrifices), a puissamment contribué au développement de cette mentalité pessimiste et défaitiste de la plupart des Eglises et des chrétiens qui entendent les mots Apocalypse et apocalyptique à contresens scriptural. Pour les chrétiens... et les non-chrétiens, de nos jours, ces mots ne signifient plus "bonne nouvelle", "encouragement" révélés, comme pour les chrétiens du ler siècle auxquels S. Jean adressait la Révélation qu'il avait reçue, et qui devaient traverser victorieusement une épreuve (et une tentation) temporaires - épreuve aujourd'hui, historiquement, derrière nous -, mais catastrophes épouvantables de fin du monde (Apocalypse Now !).

Puisque notre Seigneur viendra "comme un voleur", nous n'avons pas à spéculer sur "un jour", ou sur "une heure", qui reste le secret du Père (cf. Matthieu 24 : 42-44). Ce qui est de notre responsabilité, par contre, c'est de bien veiller (de ne pas nous endormir) en bien employant notre temps, en le mettant à profit (Ephésiens 5 : 16 ; Colossiens 4 : 5), pour obéir à la Loi de Dieu selon nos vocations, nos ministères (= nos métiers) ; et, tant que nous avons encore du temps (peut-être peu, qu'importe !), nous devons préparer ainsi, pour nos enfants, nos petits-enfants, les générations à venir (peut-être extrêmement nombreuses, qu'importe !), la chrétienté que nous espérons, selon les promesses indéfectibles du Seigneur.

A vrai dire, le prochain jugement qui nous attend, à commencer par nous, Eglises et chrétiens, en ce XXe siècle qui s'achève, c'est le jugement de l'humanisme, de la religion de l'Homme qui est une religion de mort. Car les hommes que nous sommes, depuis qu'avec le premier Adam le péché est entré dans le monde, n'ont échappé et n'échappent, volontairement, à la bonne et sainte Loi morale de Dieu, exposée dans l'ensemble scriptural et résumée dans le Décalogue, que pour tomber sous le poids et le coup des suites, des conséquences et sanctions dont elle nous avertit, et qui en découlent et s'ensuivent. Quiconque se moque obstinément de la Loi de Dieu qu'en un sens il connaît, encourt inévitablement les effets en retour de cette même Loi qu'en un autre sens il veut ignorer. Écoutons tous, à nouveau :

"La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute Impiété et toute injustice des hommes qui, injustement, retiennent captive la vérité... Ils sont donc inexcusables puisque, connaissant Dieu (gnontès ton theon), ils ne lui rendent ni la gloire, ni l'action de grâce qui lui sont dues... Leur coeur insensé s'est enténébré... Comme ils n'ont pas eu souci de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur intelligence déréglée : ainsi font-ils ce qu'ils ne devraient pas... Bien qu'ils sachent le verdict de Dieu déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles choses, ils ne se bornent pas à les faire, mais encore ils approuvent ceux qui les commettent" (Romains 1 : 18,20, 21,28,32).

Ayant perdu, par leur ignorance délibérée de Dieu et de sa Loi, la motivation et le pouvoir pour (et de) bien vivre, les hommes, s'étant autonomisés, ont perdu, pour eux comme pour toutes les sociétés humaines, le but de la vie sur la terre. Créés "Images de Dieu" (Genèse 1 : 26-27), ils faussent, corrompent et renient ce caractère qui les constitue fondamentalement. Leur refus d'être théonomes, d'obéir à une Loi de vie faite pour eux, leur fait aimer la mort et les tue spirituellement, éthiquement (Proverbes 8 : 36), jusqu'en leur volonté même de vivre devenue serve, esclave. Ils préfèrent n'importe quelle idéologie (idologie), n'importe quel idéal abstrait, aux ordres personnels de leur Créateur-Sauveur.

Contre l'humanisme dont crève, dont éclate, le monde actuel, seule la Parole de Dieu, l'Évangile-Loi, est suffisamment efficace pour éclairer, conduire et vaincre ; et d'abord en chacun de nous. C'est par la Parole-Evangile-Loi que l'humanisme sera contrebattu et défait ; et d'abord dans l'Eglise ; puis, ensuite, dans le monde. Il n'y a d'espérance de délivrance et de salut, en aucun autre que Jésus-Christ et nulle part ailleurs. Il faut passer de la soumission et de l'esclavage à la libération et à la foi ; au combat de la foi (cf. 1 Timothée 1 : 18-19 ; 6: 12), au combat pour la théonomie (l Jean 3 et 5: 1-5), combat spirituel qui ne peut et ne doit être mené qu'avec l'ensemble des armes de Dieu (ê panoplia tou theou), combat contre l'humanisme et pour les hommes, combat contre "le Prince de la puissance de l'air" (de l'air de notre temps aussi - Ephésiens 2 : 2), "contre les autorités du monde des ténèbres" et "les esprits du Mal" (Ephésiens 6: 11-12) :

"Debout donc ! A la taille, la Vérité pour ceinture avec la Justification comme cuirasse et, comme chaussures aux pieds, l'élan pour annoncer l'Evangile de la paix Saisissez surtout le bouclier de la Foi qui vous permettra d'éteindre tous les projectiles enflammés du Malin. Recevez enfin le casque du Salut et le glaive de l'Esprit qui est le dire (tô rêma) de Dieu. Que l'Esprit suscite votre prière sous toutes ses formes, vos requêtes en toutes circonstances !" (Ephésiens 6: 14-18).

Nous touchons ici à un point capital. Depuis au moins les Lumières (et Jean-Jacques Rousseau mais cependant Le Leviathan, de Thomas Hobbes (1588-1670) est de 1651, et Le Prince, de Nicolas Machiavel (1469-1527), publié seulement en 1532, est de 1513 -, l'humanisme, si féru de "liberté", n'a cessé, et ne cesse, d'aller vers l'État totalitaire, l'État-Providence, l'Etat-Dieu, sous la forme douce (?) et insidieuse de la déesse Démocratie jusqu'aux formes dures du socialisme communiste (U.R.S.S., Chine, Cuba), ou des socialismes nationalistes (fascisme, nazisme). La foi humaniste comporte la conviction que c'est par un combat d'abord politique, et par l'autorité souveraine de l'État que le salut, au moins temporel, des hommes pourra être assuré.

Par contre, la Foi catholique, dans le combat et la conquête spirituels qu'est sa mission - et sauf à trahir la Parole de Dieu et à se trahir elle-même, comme hélas ! cela lui est arrivé, pour son propre jugement et son malheur -, ne doit pas s'appuyer sur "chair et sang" (aima kaï sarka) contre "chair et sang" (Ephésiens 6.12) - c'est la tentation de toute religion du pouvoir46 mais sur la force qui est dans le Seigneur tout-puissant (id. 6 : 10). Tout le sens et toute la portée du Livre de l'Exode, contrairement à ce qu'en font les théologiens, humanistes et étatistes, de la soi-disant libération, trouvent leur origine dans l'opposition qu'il établit47 entre la servitude du peuple de Dieu sous le pouvoir arbitraire du Pharaon, de l'Etat, et sa liberté, sous la conduite prophétique de Moïse et la Loi promulguée au Sinaï, par la seule grâce imméritée du Seigneur.

L'humanisme, qu'il soit de droite, du centre ou de gauche (J'emploie le vocabulaire de sa langue de bois !), tend toujours, inévitablement, à la déification de l'État, dont il veut attendre le salut, sans être découragé par une suite ininterrompue d'échecs. A son encontre, le Psaume 2, qui parle avec réalisme de "l'agitation des nations", des "vaines pensées des peuples", et des Etats (des princes) "ligués ensemble contre le Seigneur et son Christ", rappelle opportunément le "rire" du Seigneur devant une telle infatuation, et le "sacre du Fils" lors de l'Ascension, ce Fils qui a "les nations pour héritage et les extrémités de la terre pour possession" : "Embrassez le Fils de peur qu'il n'entre en colère et que vous ne périssiez dans votre voie". Les, hommes, images de Dieu, et leurs diverses sociétés, y compris l'Etat, doivent tous "rendre à Dieu ce qui est à Dieu" ; et il ne faut "rendre à l'Etat" que ce qui lui revient : l'impôt et le respect qui lui sont nécessaires et dus pour qu'il puisse exercer (sous la Loi de Dieu !) le service limité qui lui a été confié d'en Haut (Matthieu 22: 1522).

Alors que les Révolutions d'origine humaine, coups de force animés par "la religion du pouvoir", violent ouvertement les lois de Dieu, bafouent les libertés, et finissent par mettre en place des dictatures qui n'hésiteront pas à accomplir de multiples et sanglants sacrifices humains et à installer de véritables formes d'esclavage, comme si elles haïssaient Dieu en ses images, les Réformations d'origine divine, poursuivant pacifiquement et patiemment l'extension du Règne de Dieu sur la terre et l'approfondissement de sa Loi, en veillant à la garder et à la pratiquer, vont libérer progressivement les hommes de bien des esclavages, développer une culture renouvelée, entreprendre des oeuvres éducatives et d'assistance au prochain, de toutes sortes, aussi bien nécessaires à court terme que susceptibles d'avoir des effets considérables à moyen et long terme ; il y aura alors une christianisation de la société, une nouvelle chrétienté tout cela sur le fondement de multiples conversions, de multiples retournements, provoqués, sous la souveraine action de l'Esprit Saint, par la communication fidèle de la Parole-Évangile-Loi de Dieu.

Je ne rappellerai que deux exemples, l'un considérable, l'autre modeste, de telles Réformations dans l'histoire de l'Eglise :

-Le premier, s’est produit durant les trois premiers siècles de notre ère, lorsque l'Evangile et la Loi du Christ, malgré l'hostilité, et souvent sous les persécutions, du pouvoir civil et militaire en place, se répandirent de manière fulgurante dans tout l'Empire romain.

La Vérité, gagnant les coeurs, se communiqua de maison à maison, de cité à cité, de province à province, traversant terres et mers. Sans l'emploi des armes de "chair-et-de-sang", par le témoignage, oral et de vie, de fidèles de toutes conditions, esclaves ou libres, riches ou pauvres, originaires d'Israël ou des Nations, persévérant dans la prière et ouverts à leurs prochains, fut vécu, au prix d'un grand nombre de martyres, l'un des plus grands mystères de l'histoire.

Comme l'écrivit, au IVe siècle, Athanase d'Alexandrie :

"De même que lorsque paraît le soleil, les ténèbres perdent leur force, et, quand il en reste quelque part, les chasse ; de même quand vint la divine manifestation du Dieu-Verbe, les Ténèbres des Idoles devinrent sans force, et, partout, toutes les parties de l'univers furent illuminées par son enseignement"48.

Le second s'est produit au XVIe siècle en France, durant quatre décennies, de 1520 à 1560 environ, lorsque l'Évangile et la Loi du Christ, proclamés par la Réformation qui les retrouvait dans la Sainte Ecriture selon l'ancienne Tradition catholique, se propagèrent "comme un incendie qui prend partout à la fois, allumé en même temps sur les points les plus divers, ici par l'avance frontale et régulière de la ligne de feu, là par les flammèches que le vent éparpille, là encore par la combustion spontanée d'âmes toutes prêtes à s'enflammer"49.

Avant même que ne soient dressées, un peu partout, plus de deux mille "Églises réformées en France", avec des pasteurs, la Parole de Dieu courait, efficace, au prix d'un bon nombre de martyres. Durant ces quatre décennies, la Reformation persécutée ne fit que gagner du terrain dans tout le pays. Était alors, une fois de plus, vérifiée la parole : "le sang des martyrs : semence de chrétiens".

Il fallut le début des malheureuses et effroyables guerres de religions (mauvaise expression, s'il en est), en 1562, et l'appétit de pouvoir d'un Condé d'un côté et d'un Guise de l'autre, pour que les Huguenots prennent les armes, et ce malgré, et contre, les objurgations de Calvin, multipliant, depuis Genève, ses lettres aux Eglises et aux fidèles dans sa patrie. Dès ce moment de prise des armes de "chair-et-de-sang", la Reformation, en France, ne fit que reculer.

La Loi morale de Dieu est telle qu'elle ne peut, et ne doit, jamais être imposée du dehors et par un coup de force, à ceux qui la rejettent, et n'en veulent pas.

Contrairement aux islamistes intégristes (cette désignation serait d'ailleurs à revoir) qui, armés d'un "glaive" impitoyable, vont jusqu'à l'emploi du terrorisme pour imposer leur foi, et constituer des États totalitaires, les théonomistes, qui sont des anti-révolutionnaires, ne veulent employer que les armes spirituelles (Ephésiens 6 : l0ss) avec l'hupomonê (=la patience persévérante ; cf. Ephésiens 4 : 1-6).

Il n'a jamais été, et ne sera jamais, question, pour les théonomistes, d'appliquer, ou de faire appliquer la Loi morale de Dieu à une (des) génération(s) rebelle(s) qui la refuse (nt).

S'il doit y avoir - et il y aura, selon les promesses de Dieu dans l'avenir, une "chrétienté", avec une diversité de républiques, ce ne sera qu'en suite d'une multitude telle de conversions véritables que l'Evangile, accompagné de la Loi de Dieu, couvrira le monde (cf. Esaïe 11 : 9).

En attendant, c'est dans le coeur de chacun des fidèles, dans leurs familles, dans leurs Églises, dans l'exercice de leur vocation professionnelle, dans l'influence politique et culturelle qu'ils peuvent avoir légitimement, autour d'eux, que la Loi morale de Dieu trouvera son champ d'action, et, autant que faire se peut, sera mise en pratique. Le témoignage que les chrétiens, leurs familles et les Eglises doivent au Seigneur et à son Evangile-Loi, c'est de vivre, même si ce n'est jamais qu'en commencement, selon cet Evangile-Loi, et de chercher à le faire connaître. Alors, comme aux trois premiers siècles dans l'Empire romain, ou comme durant les quatre décennies 1520-1560, en France, les fidèles catholiques doivent chercher à transmettre l'Évangile-Loi, de maison à maison, de communauté à communauté, de pays à pays, patiemment, obstinément, "avec douceur et respect", jusqu'à ce qu'il l'emporte en un futur promis et certain que Dieu seul connaît ; sans privilégier non plus, chronologiquement ou hiérarchiquement, sauf opportunité pressante, telle ou telle communauté de vie (familiale, professionnelle, culturelle, civique, ecclésiale, etc.). Là où vit un chrétien, en quelque lieu ou quelque(s) communauté(s) qu'il soit, il doit témoigner de la Parole-Evangile-Loi du Seigneur, et en rendre compte aussi fidèlement que possible, devant quiconque le demande (cf. toute la Première Lettre de Pierre qui est, là-dessus, d'une actualité saisissante ; lire en tout cas 1 : 1-9, 15-17 ; 1 : 22 à 2 : 10 ; 2 : 12-16 ; 3 : 8-17 ; 4 : 10-19 et 5 : 6-11).

Il est significatif que des théologiens réformés confessants, qui peuvent différer, et parfois même s'opposer, sur quelques points de la théonomie, s'accordent pour dire que, sur ces points comme sur plusieurs autres, il faudra encore du temps et une lecture (une exégèse) plus attentive et plus rigoureuse avant que ne puisse être fidèlement décrit ce que dit l'Écriture50. A fortiori, avant que ne puisse être nettement défini le dogme théonomique.

L'Église a malheureusement trop longtemps négligé l'approfondissement de la Loi morale de Dieu, en son ensemble et dans ses précisions, pour pouvoir, trop vite maintenant, être au clair, sur tout, à son sujet. C'est d'ailleurs en raison de cette négligence et, par suite, de la pénétration en elle de la maladie humaniste, que l'Église a trop souvent perdu le fil de sa pensée et de son enseignement éthiques. Par exemple, sur quatre sujets récemment abordés : comme l'avortement et la sexualité, ou comme le ministère ordonné de la femme et le mariage des ministres ordonnés, l'Écriture Sainte n'a été attentivement écoutée et suivie, dans les diverses confessions, que sur tel(s) point(s) et non sur tel(s) autre(s) : si le pape, sur l'avortement, et le pape et les orthodoxes "orientaux", sur le ministère ordonné de la femme, ont assurément mieux parlé que les protestants qui justifiaient inconsidérément l'un et l'autre, les protestants, eux, ont mieux parlé que le pape et les orthodoxes orientaux sur le mariage des ministres ordonnés5l. A propos de la sexualité, orthodoxes orientaux, et, surtout, catholiques-romains, toujours marqués par l'hellénisme, ont tenu des propos inconsidérés sur la supériorité de la virginité et du célibat sur le mariage ; à l'inverse, des protestants ont souvent manifesté un effarant laxisme anti-scriptural, allant jusqu'à justifier l'homosexualité, par exemple.

Il est significatif aussi que les catholiques-romains qui, avec le pape, condamnent l'avortement, le font non pas au nom de la Loi de Dieu d'abord -ce qu'ils devraient faire - mais au nom de la défense de la vie, ce qui les met en porte-à-faux quand il est question de la peine de mort dont parle la Loi de Dieu, pour certains crimes : une fois encore - et c'est dommage pour l'évangélisation -, plutôt que de s'établir sur la Parole écrite de Dieu, ces catholiques-romains s'appuient sur le droit naturel, lequel, comme un nez de cire, peut être tordu à volonté.

Dans le monde contemporain, faute d'être et de rester fondé sur la Loi de Dieu, comme à l'Age de la Foi et au temps de la Reformation en Europe, le Droit, dans la plupart des États, ne cesse de varier, souvent orienté (désorienté, plutôt) par des opinions publiques humanistes, formées ou confirmées elles-mêmes par les médias et par les Droits de l'homme (sans Dieu !) tabous qui prolifèrent dans tous les sens pour ne favoriser finalement qu'une pseudo-justice, définissant comme crimes des pseudo-péchés d'invention humaine, alors qu'elle ne condamne plus des crimes certains définis, comme tels, par la Loi de Dieu et sa pénologie. Le cri du psalmiste inspiré vers le Seigneur prend alors tout son sens :

"Ont-ils partie liée avec toi, les magistrats de malheur
Qui façonnent l'oppression à l'aide du code ?" (Psaume 94 : 20).

Les chrétiens du XXIe siècle risquent fort de se trouver, pour un temps de crise, de jugement, dont nous ignorons la durée, dans une situation difficile, non pas identique mais analogue à celle des chrétiens des trois premiers siècles qui se sont trouvés, malgré eux, en contradiction de pensée et de vie avec les pouvoirs politiques en place comme avec leurs concitoyens non-chrétiens. Ce qui est nouveau, et sans analogie de même envergure, c'est qu'aujourd'hui les forces antinomistes (=opposés à la Loi de Dieu) disposent de moyens techniques de pression, d'oppression, et de désinformation que n'avait pas la seconde Bête (de propagande) qui était au service de la première Bête (au pouvoir) d'Apocalypse 13 (1l à 17).

La tâche, prenante et nécessaire, qui nous incombe, à nous, chrétiens baptisés, fidèles, de toutes confessions, plus proches souvent de nos frères d'autres confessions que des faux-frères de notre propre confession, est de planter en tous domaines, et, particulièrement, dans les coeurs des hommes non-chrétiens, disposés, par la grâce de Dieu, à les recevoir, les semences de la prochaine Reformation qui remplacera, tôt ou tard, bientôt peut-être, l'humanisme parvenant au bout de son rouleau de ruines accumulées et de mort. Il y va de l'avenir et de la vie du monde.

Notre Seigneur règne, et agit d'en Haut sur la terre ; mais, paradoxalement, il agit en général en partant d'en bas, en partant des diverses petites communautés de la société, en partant de familles, d'Églises paroissiales, d'entreprises professionnelles ou culturelles qui lui sont fidèles, qui, écoutent et suivent sa Loi morale, révélée dans l'Écriture (qu'est l'Ecriture !). De petites semences sortent de grands arbres parfois. Nous n'avons pas, à la man lère des Révolutionnaires, à attendre ce que décideront les gens qui voudront ou conquerront le pouvoir, en partant d'en haut ; mais à la manière des Reformateurs, nous avons à semer, à planter, en partant donc d'en bas. Humblement. Dans une patiente espérance. C'est le temps, c'est LE JOUR DES PETITS RECOMMENCEMENTS.

En Église, nous devons écouter, comme tout à nouveau, l'ancien SHEMA ISRAEL (Ecoute, Israël) que je transcris maintenant pour l'essentiel :

"Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est unique !
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force.
Et ces paroles que je te donne aujourd'hui seront dans ton coeur.
Tu les inculqueras à tes fils, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.
Tu les attacheras comme un signe à ta main, et elles seront comme des frontaux entre tes yeux.
Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes" (Deutéronome 6 : 4-9).

"Si vous obéissez à mes commandements que je vous donne aujourd'hui, pour aimer le Seigneur, et pour lui rendre un culte de tout votre coeur et de toute votre âme, je donnerai à votre pays la pluie en son temps, celle de l'automne et celle du printemps, et tu recueilleras ton blé, ton vin nouveau et ton huile ; je mettrai aussi dans ton champ l'herbe pour ton bétail ; tu mangeras et te rassasieras.

Gardez-vous de laisser votre coeur être séduit en vous écartant, en rendant un culte à d'autres dieux et en vous prosternant devant eux. La colère du Seigneur s'enflammerait alors contre vous ; il fermerait les cieux, et il n'y aurait pas de pluie ; le sol ne donnerait plus ses productions, et vous péririez promptement dans le beau pays que le Seigneur vous donne" (Deutéronome 1l : 13-17).

"Vous vous souviendrez de tous les commandements du Seigneur pour les mettre en pratique, et vous ne suivrez pas les désirs de vos coeurs et de vos yeux qui vous conduiraient à vous prostituer.

Vous vous souviendrez ainsi de tous mes commandements, vous les mettrez en pratique, et vous serez saints pour votre Dieu.

JE SUIS LE SEIGNEUR VOTRE DIEU qui vous ai fait sortir du pays d'Égypte pour être votre Dieu. JE SUIS LE SEIGNEUR VOTRE DIEU" (Nombres 15: 40-41).

Et, pour terminer, je transcris encore une fois les paroles ultimes de notre Sauveur-Seigneur Jésus-Christ :

LA PROCLAMATION:

"Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre."

L'ORDRE DE MARCHE:

"Allez, faites disciples toutes les nations baptisez-les au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit."

LA PROMESSE:

"Et voici, Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde !" (Matthieu 28 : 18-20)

 


1 Par exemple : pour cinq points, That You May Prosper : Dominion by Covenant, de Ray R. Sutton (Tyler, 1987) ; pour six points, The Structure of Biblical Authority, rev. ed., de Meredith G. Kline (Grand Rapids, 1972) ; pour sept points, Law and Covenant in Israel and the Near East, de George E. Mendenhall (Pittsburg, 1955).

2 Étonnant : c'est la Bible en français courant qui donne la bonne traduction les livres de l'ancienne Alliance !

3 C'est ainsi, pour ne prendre que trois exemples : a) que l'empereur romain Justinien Ier (482-565) introduisit des éléments de la Loi biblique dans le Corpus juris civilis (= le Code civil), notamment au sujet du mariage ; et que l'interprétation des lois romaines anciennes retenues fut renouvelée dans un sens biblique ;

b) que sous le roi Alfred le Grand (849-899), plusieurs lois bibliques furent adaptées au Droit anglais ; pour a) et b) The Institutes of Biblical Law, de Rousas John Rushdoony (The Craig Press, 1973), pp. 786-787, avec cette remarque de l'auteur qu’"en raison de leur ignorance de la Loi biblique, bien des historiens ne le remarquent pas" ;

c) que "le système féodal a été fort influencé par l'idée biblique de l'Alliance. Le terme même féodal a la même racine que le mot latin foedus = Alliance". Pour c) l'article de Jean-Marc Berthoud "Social Contract Tradition and the Autonomy of Politics" (Calvinisin Today, vol. 1, N°1, 1991, p.14). Dans cet article, citant l'ouvrage de Régine Pernoud sur Aliénor d'Aquitaine, Jean-Marc Berthoud remarque que le serment féodal plaçait les liens sociaux sous l'autorité d'un pouvoir moral souverain et leur faisait partager la qualité sacrée de l'alliance conjugale.

4 Die Einheit des Bundes : Das Verhaltnis von Alten und Neuem Testanient bei Calvin (L'unité de l'Alliance : la relation entre l'Ancien et le Nouveau Testament chez Calvin), par Hans Heinrich Wolf (Neukirchen, 1958). Het Verbond der Genade bij Calvjen (L'Alliance de grâce chez Calvin), par W. H. van der Vegt (Goes, 1938).

5 O. Palmer Robertson, The Christ of the Covenants (Phillipsburg, 1980).

6 Ray R. Sutton, That You May Prosper (Que vous prospériez), (Tyler, 1987), pp. 6-7.

7 890 pages, The Craig Press, Nutley.

8 619 pages, The Craig Press, Nutley.

9 Par exemple : John Frame, Kenneth L. Gentry, Gary North, Vern S. Poythress, Moisés Silva, Ray R. Sutton, aux Etats-Unis ; Ruben C. Alvarado, aux Pays-Bas ; Thomas Schirr-macher, en Allemagne ; Owen Fourie, en Afrique du Sud ; Stephen C. Perks, en Grande-Bretagne ; lan Hodge, en Australie. Tous ne se disent pas théonomistes ; mais tous font avancer la réflexion sur la théonomie.

10 Matthieu 10 : 34ss ; Jean 14 : 27.

11 Pour ceux qui croient, selon la Tradition "catholique" ecclésiale fidèle à la parole de Dieu, à l'inspiration verbale de l'Ecriture - dont je suis ! -, les nuances dans les termes employés ont souvent de l'importance. Par exemple, dans tout le Nouveau Testament, l'amour du prochain prend tout homme en considération ; tandis que l'amour des frères est l'amour particulier que le chrétien fidèle doit aux autres chrétiens fidèles, tous étant devenus les frères adoptifs du Fils unique de Dieu, par la foi en Lui et l'union mystique (comme disait Calvin) en Lui.

De même, c'est une chose de dire que la Loi de Dieu est inscrite dans les coeurs des fidèles, et autre chose de dire que l'action de cette Loi est inscrite dans les coeurs de tous les hommes. Dans les textes de référence, en grec, il est question non seulement, comme en français, de o nomos (la Loi) et de to ergon tou noniou (l’oeuvre, l'action de la Loi), mais les verbes, traduits en français par "inscrire", sont, en grec, des verbes différents : epigraphô et graphô ; il vaudrait mieux traduire "inscrire" pour le premier et seulement "écrire" pour le second. Enfin l'inscription est "dans leur pensée et sur leurs coeurs" pour les fidèles ; et l'écriture seulement "dans leurs coeurs" pour les autres.

12 "Lex (Law) as Another Word for Religion : A lesson from the Middle Ages", par Thomas Schirrmacher, Calvinism Today, vol. II, N°2, avril 1992, p.5.

13 La philosophie au Moyen Age, par Etienne Gilson (Payot, 1947), pp.274-277, etc.

14 Ibid., pp.461-465, etc.

15 Par exemple, Lettera a Maonietto II, 115 ; cf. note 12 ci-dessus. 16 Gilson, op. cit., pp. 476-482, etc.

17 Institutes of Biblical Law, p.4.

18 Commentaire du Deutéronome (1563), Corpus Reformatorum 52, 49, 131.

19 Introduction à la dogmatique reformée ("Je Sers", Paris, 1932) vol. 1, pp. 111 ss.

20 Op. cit., pp.684-685. Là, peut se trouver une explication de la dériveintellectuelle de Jacques Maritain (1882-1973) depuis son Antimoderne, de 1922(animé par le motif-de-base scolastique "nature = grâce") jusqu'au Paysan de laGaronne, de l966, en passant par Humanisme intégral, de 1936. Si j'avais apprécié, dans Antimoderne, lu en 1930, son : "les pentes de l'intelligencemoderne sont contre nous ; mais les pentes sont faites pour qu'on les remonte",j'ai déploré que J. Maritain se soit laissé gagner par l'humanisme... moderne !

21 Il y eut la suite Hébreux --> Israélites --> Juifs ; les Hébreux qui tirent leur nom de Héber, petit-fils d'un petit-fils de Noé (Genèse 10 : 1 et 21-24 ; et 11 : 10-14) ; Abraham, lui, était l'arrière-petit-fils d'un arrière-petit-fils de Héber (Genèse 11 : 16-26) ; les Israélites tirent évidemment leur nom d'Israël (Jacob, petit-fils d'Abraham) ; les Juifs tirent leur nom du mot hébreu yehûdi qui, à l'origine, désignait un habitant de la Judée (2 Rois 6 : 6) ; ce sont les peuples environnants d'Israël qui finirent par appeler Juifs les fils d'Israël (cf. Jérémie 34 : 9).

22 N'est-il pas étonnant, paradoxal et contradictoire que les mêmes affirment cependant que le Décalogue est pour toutes les nations alors qu'il est, lui aussi, comme le reste de la Loi, adressé par Dieu au peuple qu'il a "fait sortir d'Egypte, de la maison de servitude" (Exode 20 : 2 ; Deutéronome 5 : 6) ?

23 Les mots "justice" et "péché", comme d'ailleurs "bien" et "mal" sont des mots étrangers, quant à leur sens dans l'Ecriture, aux sens bâtards qu'on leur prête aujourd'hui ; ce sont des mots allianciels, "de la Loi de Dieu".

24 Cf. 2 Thessaloniciens 2 : 8.

25 No Other Standard (Tyler, 1991), p.120.

26 Par ex. dans la Confession helvétique postérieure, le chapitre XII ; et, dans la Confession de Westminster, le chapitre XIV, 3 et 4.

27 Sur ce point, les chapitres 1 à 8 de The Shadokt, of Christ in the Law of Moses (Brentwood, 1991) de Vern S. Poythress.

28 Pour prendre un exemple élémentaire, facile, Moïse nous dit, en Deutéronome 22 : 8 : "Si tu bâtis une maison neuve, tu feras une balustrade autour de ton toit afin de ne pas mettre du sang sur ta maison, dans le cas où il en tomberait quelqu'un". Nous avons là un exemple normatif casuistique d'application du commandement "Tu ne commettras pas de meurtre". Si nos maisons, aujourd'hui, n'ont pas souvent un toit plat servant de terrasse pour nos hôtes, ce commandement nous enseigne que nous avons la responsabilité morale de protéger ceux-ci jusque dans l'aménagement de nos demeures, contre les risques qu'ils viendraient à courir du fait de notre négligence (une bonne "assurance" ne suffirait pas à nous disculper). Sur les lois casuistiques, cf. BY This Standard, de Bahnsen, pp. 137-138 et 317-318.

29 Tools of Donzinion : The Case Laws of Exodus (Tyler, 1990), 1280 pages (!), par Gary North. North signale deux anciens traités réformés du XVIle siècle : A Christian Directorv (Un répertoire chrétien) - 1673 - de Richard Baxter, qui cherche, dit ce dernier, "à résoudre des cas de conscience pratiques" ; et A Coniplete BodY of Divinin, (Un traité complet de Théologie) - 1726 -, oeuvre posthume de Samuel Willard (mort en 1717). Cf. aussi les volumes 1 et Il de The Institutes of Biblical Law, de Rousas J. Rushdoony, 1973 et 1982.

30 La pénologie étudie le champ des peines (du latin poena = châtiment) - d'où le Droit pénal - qui doivent sanctionner les auteurs d'infractions aux lois ou à la Loi.

31 En 1885, un philosophe français, aujourd'hui bien oublié, Jean-Marie Guyau ( 1854-1888) a publié une Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction !, à laquelle Lecerf faisait d'ironiques allusions.

32 Theonomy in Christian Ethics, (The Craig Press, 1977), pp.437ss, Bahnsen fait d'importantes remarques sur le mystère capital du Christ en croix, substitut des hommes pécheurs, et sur la lumière que projette ce mystère sur l'équité du jugement divin et du droit pénal révélé. Sur ce mystère, cf. d'une part, quant au sacrifice du Fils : Jean 1 : 29 ; Hébreux 9 : 11-15 ; 10 : 3-18 et 13 : 10-12 ; 1 Pierre 1 : 18-20 ; et cf. d'autre part, quant à la substitution Colossiens ; 2 Corinthiens 5 : 21 ; Galates 3 : 10-13.

33 Sur le droit pénal révélé, il faut lire, dans la Theonomy de Bahnsen, les chapitres 21 et 22, pp.435 à 472 ; et la confirmation qu'en apporte Bahnsen, en réponse aux critiques de la théonomie, dans les chapitres 12 à 14, pp.211 à 271 de No Other Standard.

34 Ce n'est pas pour rien que l'expression "la grâce et la vérité" (en grec : ê charis kaï ê aletheia ; en hébreu : bèsèd we’èmèt ; cf. Exode 34 : 6, Proverbes 3 : 3, par exemple) gouverne ici un verbe au singulier (egeneto), car les deux mots étroitement joints désignent l'inébranlable et bienveillante fidélité alliancielle de Dieu comme s'il s'agissait d'un seul mot. Cf. The Covenant Gospel (Alberta, Canada, 1990), pp.70-74, de Cornelius van der Waal. La plénitude de l'Alliance arrive par Jésus-Christ. Il n'y a pas antithèse, mais complémentarité, approfondissement, "plénification", de Moïse à Jésus-Christ. C'est ce qu'ont toujours affirmé, contre Marcion et le marcionisme, les anciens Pères (cf. Méliton de Sardes) et les Confessions de foi et Catéchismes de la Reformation (cf. Confessio belgica, 1561, article 25, Catéchisme de Heidelberg, 1563, question 19, par exemple).

Chouraqui traduit pareillement l'expression hébraïque et l'expression grecque par "le chérissement et la vérité", dans les trois passages ci-dessus : Jean 1 : 17 ; Exode 34 : 6 et Proverbes 3 : 3.

L'expression alliancielle hèsèd we’èmèt se trouvent encore, par exemple, en Exode 34 : 6 ; Josué 2 : 14 ; 2 Samuel 2 : 6 et 15.20 ; Psaume 85 : 11 ; Proverbes 20 : 28 ; Zacharie 7 : 9.

35 Un livre-commentaire excellent est The Greatest Song (Palos Heights, U.S.A., 1967) du théologien réformé Calvin Seerveld.

36 The Greatest Song, p. 12. 37 Id., p. 12.

38 Id., p. 17 ; la question est celle de Pouget et Guitton dans leur 2e Cantique des cantiques (Paris, 1934), p. 125.

39 Id., p. 1-3.

40 Dans la ligne du théologien réformé américain Robert Lewis Dabney (1820-1898), qu'il aimait beaucoup, Lecerf écrit dans son Introduction à la dogmatique réformée, p. 125 : "Quant au péché lui-même, au mal moral, si Dieu a fait entrer l'avènement de l'abus de la liberté dans la trame de ses décrets, c'est sans doute qu'il a jugé qu'un monde où le péché donnerait leur nom au repentir, au pardon, à l'héroïsme, au sacrifice, aurait plus de valeur et mettrait mieux en lumière, au regard des anges et des hommes, sa miséricorde et sa justice ; qu'il serait esthétiquement et moralement supérieur à un monde d'innocents amoraux ou de justes figés dans leur impeccabilité. Ce jugement de valeur prononcé par Dieu doit nous suffire, si nous croyons en lui. Pour ceux qui n'y croient pas, la question disparaît."

41 Bahnsen, op. cit., p.243. Je suis ici le paragraphe "Love and Law" in Theonomy, pp.241-247.

42 Cf. entre autres : Calvin, L'Institution chrétienne, IV, X,3 ; John I. Packer, A Questfor Godliness (Recherche de la piété), (Wheaton, U.S.A., 1990), pp. 107-122 ; Robert L. Dabney, The Practical PhilosophY (Harrisonburg, U.S.A., 1897), pp.282-287.

43 D'après Packer, op. cit., p. 114.

44 Dabney, op. cit., pp.283-284.

45 Citation de Packer, op. cit., p. 113 (qui donne la référence exacte).

46 Cf. Moses and Pharaon : Dominion Religion Versus Power Religion (Tyler, 1985) de Gary North.

47 Comme aussi, par exemple, 1 Samuel 10 : 17-19.

48 Cf. Sur l'Incarnation du Verbe, "Sources chrétiennes", n°199, page 463.

49 Le Protestant français (P.U.F., 1953), p.9, d'Emile G. Léonard.

50 Par exemple : Greg L. Bahnsen, No Other Standard, pp. 45,66-67,94-95, 194, 273-275. James B. Jordan, The Death Penalty in the Mosaic Law (Tyler, 1989), Introduction, pp.1-7. John Frame (pp.89-99), Vern S. Poythress (pp. 103-123), Moisés Silva (pp.153-167) et D. Clair Davis (pp.389-402) in Theonomy, a Reformed Critique (Grand Rapids, 1990).

51 La plupart des Apôtres, dont Pierre, étaient mariés, et leurs femmes (gunaïkès) les accompagnaient (1 Corinthiens 9 : 5). Paul, célibataire lui-même, recommandait le mariage des "évêques", car "si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'Eglise de Dieu ?" (1 Timothée 3 : 2 et 4).